Voici à quoi devait ressembler l’ancêtre commun à tous les hommes modernes

Notre espère, Homo sapiens, est apparue en Afrique il y a environ 300 000 ans. Mais où exactement, et comment ? Les fossiles africains de moins de 500 000 ans connus à ce jour étant peu nombreux, il manque des pièces au puzzle de l’histoire de notre espèce. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont donc voulu augmenter le nombre de fossiles disponibles en créant des « fossiles virtuels ».

Pour cela, ils ont mesuré sous toutes leurs coutures 263 crânes fossiles et modernes d’hominines1 (correspondant à 29 populations2 ), de manière à pouvoir les modéliser en trois dimensions.

Les chercheurs ont montré qu’il existe une correspondance forte entre les formes crâniennes moyennes de chacune des 29 populations et la position de celles-ci dans un arbre de parenté basé sur des données essentiellement génétiques3 . Cette bonne correspondance a permis de calculer quelle était la forme crânienne probable du dernier ancêtre commun à tous les Homo sapiens. Les traits de ce fossile virtuel, dont l’âge théorique serait 300 000 ans, apparaissent relativement modernes : avec sa boîte crânienne arrondie, son front relativement haut, des bourrelets sus-orbitaires peu marqués et une face peu projetée vers l’avant, sa morphologie est proche de certains fossiles datés de seulement 100 000 ans.

vues du fossile virtuel sous différents angles
Modélisation de l’ancêtre commun (virtuel) à tous les membres de notre espèce, Homo sapiens.

© Aurélien Mounier - CNRS/MNHN

Les chercheurs ont comparé leur fossile virtuel à cinq de ses contemporains bien réels – des crânes d’Homo africains fossiles, âgés de 130 000 à 350 000 à ans et parfois considérés comme faisant partie de nos ancêtres. Cette analyse suggère que notre espèce serait née de l’hybridation de populations du sud et de l’est de l’Afrique. Des populations nord-africaines (potentiellement représentées par le fossile de Jebel Irhoud), se seraient mélangées aux Néandertaliens à la suite de migrations vers l’Europe, contribuant de manière moindre à notre espèce.

Cette étude éclaire aussi l’histoire de notre espèce hors d’Afrique : elle soutient l’hypothèse, établie par d’autres chercheurs sur la base d’analyses génétiques4 , selon laquelle, suite à une première sortie d’Afrique qui n’a laissé de traces qu’en Océanie, une deuxième aurait permis à Homo sapiens de peupler successivement l’Europe, l’Asie, et enfin l’Amérique.

arbre de parenté représentant les relations entre populations étudiées dans cette étude.
Arbre représentant les 29 populations humaines étudiées, fossiles et actuelles.
Les crânes gris sont tirés de l’échantillon utilisé pour reconstruire celui de l’ancêtre virtuel (en rouge).
De gauche à droite : KNM-ER 3733 (H. ergaster), La Ferrassie (H. neanderthalensis), Qafzeh 6 (H. sapiens fossile), Kh-1739 (Afrique du sud, Khoikhoi), AUS001 (Australie), Eu.34.4.1 (Hongrie), EAS-ORSA0427 (Chine) et NA82 (Huron, Canada).

© Aurélien Mounier - CNRS/MNHN

 

 

  • 1sous-groupe de grands singes comprenant le genre humain (Homo) et les genres éteints apparentés, tels que les Australopithèques ou les Paranthropes, mais pas les chimpanzés.
  • 221 populations modernes vivant dans différentes régions du monde, et 8 populations fossiles.
  • 3à l’exception des premières espèces du genre Homo (i.e. habilis, ergaster et georgicus), pour lesquelles on ne dispose pas d’ADN mais uniquement de données morphologiques.
  • 4Genomic analyses inform on migration events during the peopling of Eurasia, Luca Pagani et al. Nature, 21 septembre 2016. https://doi.org/10.1038/nature19792