Microclimat : la température de la forêt… en ultra HD !

Résultats scientifiques

Les promeneurs le savent bien : en période estivale, il fait plus frais en forêt pendant la journée. Les arbres atténuent les extrêmes de température grâce à leur ombre et à l’eau qu’ils transpirent. C’est le microclimat forestier – on parle d’un effet isolant, ou « tampon ». Or, toutes les cartes de température dont on dispose s’appuient sur les données des stations météo, qui sont systématiquement placées en milieu ouvert : l’effet avéré des arbres sur la température n’est donc pas pris en compte. De plus, ces cartes sont peu précises (1 à 9 kilomètres de résolution), très « pixelisées ». Une équipe de recherche du laboratoire EDYSAN a cartographié la température du sous-bois en ultra haute définition, à 10 m de résolution, en la reliant à la structure de la forêt grâce à un outil de télédétection, le LiDAR. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Remote Sensing of Environment.

En résumé

  • La forêt, lorsqu’elle est suffisamment haute et dense, a un pouvoir isolant contre les extrêmes de température : c'est le microclimat forestier.
  • Le LiDAR permet de scanner en 3D et de décrire finement la structure de la forêt : hauteur, surface de végétation et complexité verticale.
  • Grâce à cette technologie, on peut prédire la température du sous-bois en ultra haute définition.

Cette étude a porté sur la forêt de Blois, une forêt de 2 740 hectares gérée par l’Office national des forêts (ONF). Il s’agit d’une forêt gérée en futaie régulière, dominée par les chênes sessiles (Quercus petrea), avec peu de relief mais une grande variété de structures : parcelles denses jeunes ou matures, semenciers isolés, laissant assez de lumière pour qu'émergent les jeunes chênes... Autant de microclimats différents ! La température horaire a été mesurée entre juin et septembre 2021 par 53 capteurs de température, placés dans des structures forestières variées sur des troncs à 1 m de haut – face nord et dans des abris blancs pour éviter la surchauffe due au soleil. La station météo du réseau RENECOFOR se trouvant à proximité de la forêt a fourni une référence de la température en milieu ouvert (macroclimat), et donc permis d’analyser si par rapport à cette référence, la température microclimatique en forêt est tamponnée (moins extrême) ou au contraire amplifiée (plus extrême).

Afin de cartographier précisément la structure de la canopée, l’équipe de recherche EDYSAN a utilisé la technologie LiDAR : un scanneur laser qui permet d’obtenir une image à haute résolution et en trois dimensions de la forêt ! Il s’agit ici de la technologie LiDAR aéroporté, issu d’un survol en avion de la forêt. A partir des milliards de points en 3D, la structure de la forêt a été résumée en trois paramètres, calculés sur des pixels de 10 m de côté : la hauteur maximale, un indice de surface végétale (Plant Area Index) et un indice de complexité verticale (Vertical Complexity Index, quantifiant à quel point la végétation est répartie uniformément le long du profil vertical).

En utilisant ces trois paramètres comme prédicteurs dans des modèles linéaires, les scientifiques ont cherché à expliquer l’effet tampon ou amplificateur observé localement. Le modèle prédictif explique 91 % de la variabilité observée, ce qui est inespéré en écologie de terrain avec si peu de prédicteurs. Le modèle est donc très performant et permet de prédire la température microclimatique horaire avec une erreur moyenne de seulement 1°C environ. La majeure partie de la forêt a une température tamponnée par rapport à la température enregistrée par la station météo, avec des températures moins chaudes en journée, mais une part non négligeable de la forêt de Blois (3 %) est à l’inverse amplifiée (voire la carte ci-dessous). C’est en particulier le cas des peuplements jeunes et très ouverts, où des températures extrêmes sont prédites.

Ces cartes de microclimat ont de nombreuses applications potentielles :

  • Mieux comprendre la réponse des plantes ou animaux à la température
  • Analyser la connectivité thermique des habitats à l’échelle du paysage
  • Informer la gestion forestière pour une meilleure résilience de la régénération des arbres ou une gestion du risque d’incendie
  • Repérer les zones pouvant servir de refuge aux espèces menacées par le changement climatique,
  • Voire même prioriser des « parcours de fraicheur » dans les forêts péri-urbaines, lors des canicules toujours plus fréquentes.
image LiDAR
Figure 1 : Profils de végétation 3D contrastés en forêt de Blois, issus d’un capteur LiDAR aéroporté. La couleur des points correspond simplement à leur hauteur (les plus hauts arbres atteignent ici 40 m). Crédit : Emilie Gallet-Moron.
carte températures
Figure 2 : Carte de la température microclimatique maximale de l’air à 1 m de hauteur pendant l’été 2021 (juin à septembre), sur l’ensemble de la forêt de Blois (10 m de résolution). La température d’une station météo proche de la bordure de la forêt (macroclimat) donne une moyenne des températures maximales de 24°C, alors que la température maximale microclimatique varie de 21 à 30°C. Crédit : Eva Gril.
BD Eva Gril
Figure 3 : Bande dessinée expliquant la notion de "microclimat forestier". Crédit : Eva Gril.

 

Forêts, au cœur d’un refuge climatique

Nous le savons instinctivement : la température est généralement plus fraîche au cœur d’une forêt. Mais peut-on mesurer ce microclimat de manière plus précise ? Ce reportage diffusé avec LeMonde.fr suit les scientifiques du projet Imprint, qui ont équipé notamment trois forêts françaises de centaines de capteurs de température. Au fil de leur étude, elles révèlent peu à peu leur fonction de climatiseurs naturels.

Audiodescription

Référence

Gril, E., Laslier, M., Gallet‐Moron, E., Durrieu, S., Spicher, F., Roux, V. L., Brasseur, B., Haesen, S., Van Meerbeek, K., Decocq, G., Marrec, R., & Lenoir, J. Using airborne LiDAR to map forest microclimate temperature buffering or amplification. Remote Sensing of Environment, publié le 26/09/23.

Laboratoire CNRS impliqué

Ecologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)

Objectifs de développement durable

ODD

  • Objectif 3 : Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges
  • Objectif 13 : Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
  • Objectif 15 : Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres

Contact

Eva Gril
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)
Jonathan Lenoir
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)