L'évolution des parasites sur les fronts d'invasion expérimentaux

Résultats scientifiques

Comment évoluent les parasites lors d'une épidémie en expansion ? En utilisant des microcosmes interconnectés, des chercheurs du CNRS issus de l’Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Université de Montpellier / IRD) et leurs collègues australiens ont simulé une expansion d’aire de répartition pour un système hôte-parasite aquatique. Les résultats, publiés dans Ecology Letters, montrent que les parasites évoluant au front d'invasion permettent une plus grande dispersion de leur hôte, mais sont aussi moins virulents et moins transmissibles que les parasites restant au cœur de l'aire de répartition. Ce nouveau compromis entre virulence et dispersion pourrait imposer des contraintes importantes à l'évolution des parasites dans des populations spatialement structurées.

Dans un monde où la mobilité augmente de plus en plus, les maladies infectieuses émergentes sont devenues une menace majeure pour la santé publique, l'industrie alimentaire et la faune sauvage. La crise sanitaire actuelle du Covid-19 et l'apparition fréquente de nouveaux variants exigent une meilleure compréhension de l'interaction entre les processus épidémiologiques et les changements évolutifs en jeu, qui se produisent souvent à des échelles de temps similaires.

Comment évoluent les parasites lors d'une épidémie en expansion ? Peut-on prédire les caractéristiques des nouveaux variants, et comment ces caractéristiques influencent-t-elles la vitesse d'expansion de l'épidémie ? La théorie prévoit généralement l'évolution de parasites très infectieux et virulents au front de la propagation d'une épidémie, mais ces résultats ignorent souvent que les parasites peuvent avoir besoin de leur hôte pour se disperser vers de nouveaux sites d'infection.

Pour répondre à ces questions de manière expérimentale, des chercheurs du CNRS issus de l’Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Université de Montpellier / IRD) et leurs collègues australiens (Monash University, Melbourne) ont simulé des expansions d'aire de répartition d'un système hôte-parasite aquatique dans des microcosmes interconnectés (voir figure). Dans cette expérience d'évolution expérimentale (menée sur un an), des populations du cilié Paramecium caudatum infectées par un parasite bactérien, ont connu un total de 55 épisodes de dispersion, entrecoupés de périodes de transmission libre du parasite. Les résultats, publiés dans Ecology Letters, montrent que les parasites évoluant au front d'expansion de l'aire de répartition permettent une plus grande dispersion de leur hôte, mais sont également moins virulents et moins transmissibles que les parasites (non-dispersants) évoluant au cœur de l'aire de répartition. Ce nouveau compromis entre virulence et dispersion pourrait imposer des contraintes importantes à l'évolution des parasites dans des populations structurées dans l'espace, jusqu'à présent rarement prises en compte.

Ces résultats s'appliquent-ils à la propagation du Covid-19 ? "Pas directement, comme les Paramécies ne sont pas des humains", explique Giacomo Zilio, post-doctorant chargé de l'étude à l'ISEM. Néanmoins, ce travail illustre les rétroactions possibles entre épidémiologie et évolution, et montre que les parasites peuvent répondre à la sélection spatiale et développer des adaptations spécifiques favorisant l'expansion d'une épidémie. Plus généralement, l'évolution expérimentale peut être un outil puissant pour recréer en miniature, de manière contrôlée et reproductible, certains aspects des épidémies naturelles et des processus de sélection. 

Le cilié d'eau douce Paramecium caudatum et son parasite bactérien Holospora undulata (à gauche) ont été utilisés pour une expérience de sélection à long terme. Un des traitements consistait à laisser disperser des individus infectés du tube “cœur" au tube "front" (à droite), imitant un front d'invasion en mouvement. Dans un deuxième traitement, seules les Paramécies non-dispersantes ont été maintenues, imitant le centre géographique de la population. Après 55 épisodes de (non-)dispersion, toujours suivies par une semaine de croissance et de transmission, les parasites des deux traitements ont été comparés pour leurs effets sur la dispersion de l’hôte, et leur virulence et transmissibilité. (Photos : O. Kaltz)

Le cilié d'eau douce Paramecium caudatum et son parasite bactérien Holospora undulata (à gauche) ont été utilisés pour une expérience de sélection à long terme. Un des traitements consistait à laisser disperser des individus infectés du tube “cœur" au tube "front" (à droite), imitant un front d'invasion en mouvement. Dans un deuxième traitement, seules les Paramécies non-dispersantes ont été maintenues, imitant le centre géographique de la population. Après 55 épisodes de (non-)dispersion, toujours suivies par une semaine de croissance et de transmission, les parasites des deux traitements ont été comparés pour leurs effets sur la dispersion de l’hôte, et leur virulence et transmissibilité.
(Photos : O. Kaltz)

 

Les objectifs de développement durable

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  • ODD 3 : Bonne santé et bien-être

L’étude montre l'action des processus éco-évolutifs qui peuvent avoir lieu lors de l’expansion d’une épidémie. Cela a des connotations très importantes pour les mesures de gestion.

Références

An evolutionary trade-off between parasite virulence and dispersal at experimental invasion fronts, Ecology Letters. Louise S Nørgaard, Giacomo Zilio, Camille Saade, Claire Gougat-Barbera, Matthew D Hall, Emanuel A Fronhofer, Oliver Kaltz.

Contact

Oliver Kaltz
Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Université de Montpellier / IRD)
Fadéla Tamoune
Communication - Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM - CNRS/Univ. Montpellier/IRD)