Les plus anciens crabes d’eau douce : dans les pattes des dinosaures du Crétacé de France
Les restes des plus anciens crabes d’eau douce, retrouvés dans le Crétacé supérieur de Provence (site de Velaux, Bouches-du-Rhône), viennent d’être décrits par une équipe internationale de paléontologues. Ces pinces de crabes, qui présentent l’originalité d’être fossilisées en association directe avec des ossements de dinosaures, viennent doubler l’âge connu de colonisation des milieux continentaux par ces crustacés familiers de nos lacs et rivières. Elles suggèrent également que cette écologie d’eau douce ait existé dans le passé au sein de groupes de crabes qui sont aujourd’hui uniquement marins. Cette étude est parue dans la revue Scientific Reports en décembre 2019.
De grosses pinces au milieu des os
Les plus anciens fossiles connus de crabes en milieu continental sont issus de régions néotropicales du Miocène (40 Ma). Aussi, la découverte de pinces de crabes tout à fait massives (8 cm), fossilisées sur et au milieu de restes de vertébrés du Crétacé de France (74 Ma ; Velaux, Bouches-du-Rhône), tels ceux de dinosaures, fut une surprise pour les paléontologues. En effet, les précédentes occurrences de crabes en milieux mésozoïques continentaux étaient d’environnements estuariens ou simplement d’origine douteuse. Les pinces de crabes trouvées ici, à l’instar des autres organismes du site fossilifère, sont en toute probabilité autochtones de l’environnement fluvial de Velaux, et de ce fait appartenaient à des crabes d’eau douces.
Originaires d’un environnement d’eau douce
Le faciès fluvial à lacustre des sédiments de Velaux, l’assemblage faunique dont sont issues les pinces de crabes ainsi que les conditions taphonomiques de transports au sein d’un chenal comme celui de Velaux, attestent de l’origine d’eau douce des pinces en question. De plus, l’abondance relative de certains éléments atomiques contenus à la fois dans les carbonates des pinces, et ceux des sédiments associés, excluent formellement une formation en environnement marin.
De multiples et indépendantes adaptations à l’eau douce par les crabes
L’identification de crabes fossiles (Crustacea, Brachyura) sur la présence de leurs seules pinces et en l’absence du reste de leur squelette demeure un processus délicat. L’originalité de ces pinces (forme et taille) à cette époque justifie leur description sous le nouveau morphogenre Dinocarcinus dont la morphologie suggère des affinités avec les crabes portunoides. Aujourd’hui ces crabes n’existent qu’en milieu marin ce qui suggère que différents groupes de crabes aient indépendamment colonisé les habitats d’eau douce, impliquant diverses adaptations de leur développement, et ce depuis au moins le Campanien (75 Ma).
Cette étude, parue dans la revue Scientific Reports, a été conduite par N. Robin et S. Charbonnier du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris Centre de recherche en Paléontologie, Paris (CR2P – MNHN/CNRS/Sorbonne Université)) avec des collègues du Oertijdmuseum, (Boxtel, Pays-Bas), de la Comenius University (Bratislava, Slovaquie), de l’University College Cork (Cork, Irlande), de l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (Bruxelles, Belgique) et de l'Université de Poitiers (X. Valentin et G. Garcia, Laboratoire Paléontologie Evolution Paléoécosystèmes Paléoprimatologie (PALEVOPRIM – CNRS/Université de Poitiers)).
Référence
Robin N., Van Bakel B.W.M., Hyžný M., Cincotta A., Garcia G., Charbonnier S., Godefroit P., Valentin X. The oldest freshwater crabs: claws on dinosaur bones. Scientific Reports, in press. Doi: 10.1038/s41598-019-56180-w.