Les oiseaux marins sont capables de prédire et d'éviter l'arrivée d'un cyclone
Les cyclones formés en mer ont des effets dévastateurs bien connus sur la faune et la flore lorsqu’ils arrivent sur les milieux terrestres. En mer, chaque année les espèces marines tropicales comme les oiseaux marins se trouvent dans l’aire d’influence des cyclones tropicaux. Sont-elles capables de prédire l’arrivée d’un cyclone, et en mesure de les éviter ? Ces questions restaient une énigme jusqu’à aujourd’hui? En utilisant des systèmes de télémétrie par satellite, une étude pilotée par Henri Weimerskirch du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/Université de La rochelle) démontre que deux espèces d’oiseaux marins sont capables de répondre à l’arrivée d’un cyclone en changeant de comportement un à deux jours à l’avance et en évitant la trajectoire des cyclones en les contournant.
Dans le contexte du changement climatique, on ignore encore comment des phénomènes climatiques extrêmes, tels que les cyclones, qui vont augmenter en fréquence et en intensité, affecteront les capacités d'alimentation des vertébrés marins. Au cours d'une étude sur le comportement alimentaire de deux oiseaux de mer tropicaux dans le Canal du Mozambique et en Nouvelle Calédonie, les fous à pieds rouges (Sula sula) et les frégates du Pacifique (Fregata tropica), Henri Weimerskirch du Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS/Université de La rochelle) a observé plusieurs aires de reproduction et zones d’alimentation dévastées par des cyclones. Cela a permis l’étude des réactions de ces animaux aux conditions de vent extrêmes. Il est apparu que, si les adultes et les jeunes oiseaux étaient capables de prévoir l'arrivée d'un cyclone et de se comporter en conséquence afin de réduire les risques de mortalité et d'optimiser la recherche de nourriture.
L’étude, paru dans Scientific Reports, montre qu’à l’approche d’un cyclone, les juvéniles et les adultes des deux espèces prennent une décision différente adaptée à leur morphologie contrastée et à leur histoire de vie. Lorsque le centre du cyclone est encore à plusieurs centaines de kilomètres, les juvéniles des frégates et les frégates adultes restent dans la colonie, tandis que les fous adultes poursuivent leur quête de nourriture en mer. La mortalité des individus restant à terre est limitée lors du passage du cyclone sur l’île. Pour les individus qui ont rencontré des conditions cycloniques en mer, les oiseaux adultes ont réussi à éviter l’œil du cyclone autour duquel les vents sont les plus violents et se sont déplacés vers l'ouest pour contourner la route du cyclone. Les frégates font le choix de monter à haute altitude lorsqu'elles sont proches de l'œil du cyclone pour le contourner à grande vitesse. Cela réduit le risque de mortalité en mer mais peut amener temporairement les oiseaux à se déplacer en dehors de leur aire de répartition normale.
Lors du cyclone intense PAM, quatre des cinq frégates suivies ont pu éviter la trajectoire du météore avant de retourner sur leur site à terre qui a été dévasté. Le cinquième, lui, parti trop tard, a été tué en mer. Les résultats de cette étude ouvrent la voie à une meilleure compréhension des conséquences d’une potentielle augmentation des conditions cycloniques sur les populations d’oiseaux de mer.