Les oiseaux marins arctiques permettent de tracer les sources de mercure à large échelle spatiale
Les oiseaux marins sont exposés à des concentrations de mercure alarmantes dans l’Océan Arctique, un écosystème où les voies de méthylation et de bioaccumulation de ce polluant de préoccupation majeure ne sont pas complètement connues. Une nouvelle étude dirigée par le laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs – CNRS / Université de La Rochelle) en collaboration avec l’Institut des Sciences Analytiques et de Physico-Chimie pour l'Environnement et les Matériaux (IPREM – CNRS / Université de Pau et des pays de l’Adour) propose une approche novatrice combinant le suivi spatial des oiseaux et l’analyse isotopique de leurs tissus pour tracer les sources du mercure à très large échelle spatiale dans les océans Arctique et subarctique. Ce travail est publié dans la revue Environmental Science & Technology.
Malgré leur éloignement des principales sources d’émission industrielles, les milieux marins arctiques et subarctiques sont menacés par des polluants globaux, tels que le mercure, qui y parviennent par le transport atmosphérique et les courants océaniques. Le mercure induit des risques majeurs pour la santé, notamment sous sa forme de méthylmercure, un neurotoxique très puissant principalement assimilé par la consommation de proies marines. Dans l'océan, le méthylmercure est essentiellement produit par des microorganismes puis intègre les réseaux trophiques où il bioamplifie ses concentrations à des niveaux qui entraînent des impacts délétères pour les prédateurs marins et les humains.
Les habitats d'alimentation et les mouvements migratoires des oiseaux marins déterminent fortement leur exposition à des sources de méthylmercure différentes dans les écosystèmes marins arctiques et subarctiques. C'est ce qu’illustrent les derniers travaux coordonnés par des chercheurs du laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS/La Rochelle Université) en collaboration avec l’Institut des Sciences Analytiques et de Physico-Chimie pour l'Environnement et les Matériaux (IPREM - CNRS/Université de Pau et des Pays de l’Adour) et plusieurs partenaires nationaux et internationaux. En effet, ce projet original combinant l’exploration des signatures isotopiques de tissus aviaires avec le suivi des mouvements des oiseaux marins a permis de mieux caractériser les sources et voies d’exposition au mercure à très large échelle spatiale, de la côte est du Canada à la mer de Barents. Cinq populations de mergules nains (Alle alle), dont les mouvements migratoires et les sites d’hivernage sont spécifiques à chaque colonie, ont été suivies. Les analyses isotopiques du mercure réalisées sur des plumes de la tête (indicatrices de la période hivernale) et des plumes du ventre (indicatrices de la période de reproduction estivale) ont permis un accès à des échelles temporelles d’exposition au mercure différentes, couvrant l’ensemble du cycle annuel des oiseaux. Ce temps d'intégration du mercure spécifiques aux tissus a donc pu être combiné à la mobilité et à la distribution spatiale de chaque individu pour permettre l'exploration de leur exposition spatiale et saisonnière à ce polluant
Les résultats, publiés le 3 novembre 2020 dans la revue Environmental Science & Technology, montrent des concentrations de mercure plus élevées chez les populations qui migrent dans les régions de l’est (côtes canadiennes, sud du Groenland) que chez celles des zones de l’ouest (Mer de Barents, Mer de Norvège). Les tendances des signatures isotopiques suggèrent aussi une proportion différente des sources de mercure (terrigène-océanique) entre les régions de l'ouest de l'Atlantique Nord et de l'est de l'Arctique, susceptibles d’être dues à l’interaction complexe des paramètres océanographiques et physiques dans ces écosystèmes dynamiques.
Les objectifs de développement durable
- ODD 14 : Préservation vie aquatique
Références
Contrasting spatial and seasonal trends of methylmercury exposure pathways of Arctic seabirds: combination of large-scale tracking and stable isotopic approaches- Marina Renedo, David Amouroux, Céline Albert, Sylvain Bérail, Vegard S Bråthen, Maria Gavrilo, David Grémillet, Hálfdán H Helgason, Dariusz Jakubas, Anders Mosbech, Hallvard Strøm, Emmanuel Tessier, Katarzyna Wojczulanis-Jakubas, Paco Bustamante, Jérôme Fort publié dans Environmental Science & Technology 54(21): 13619–13629.