Le réchauffement climatique va entrainer une énorme diminution du nombre de jours de gel sur le Mont Blanc

Résultats scientifiques Interaction Homme-Milieux

Les conséquences du changement climatique sont déjà bien visibles dans les Alpes, mais qu’en sera-t-il à la fin du siècle ? Une équipe de chercheurs des laboratoires Biogéosciences (CNRS/Univ de Dijon) et ThéMA (CNRS/Univ de Besançon) a mené une nouvelle étude sur le massif du Mont Blanc, en utilisant les projections climatiques les plus récentes et des méthodes statistiques avancées, afin de déterminer l’évolution des températures jusqu’en 2100, et leurs conséquences. Les résultats récemment parus dans la revue Nature Scientific Report montrent clairement une tendance à la baisse du nombre de jours de gel durant le XXIe siècle. En haute altitude, les effets seront particulièrement prononcés dès le milieu du siècle, entrainant une diminution de 45 à 50% du nombre de jours de gel par rapport à aujourd’hui.

Dans les Alpes, à la fin du XXIe siècle, le réchauffement climatique pourrait aboutir à une réduction des glaciers, de l’enneigement et conduire à un déficit en eau, entrainant un impact sur la biosphère et provoquant une transformation spectaculaire des milieux de haute montagne. Ce constat résulte des données issues des modélisations climatiques à l’échelle globale, dont la résolution spatiale reste peu précise sur les Alpes. C’est pourquoi, dans le cadre d’un programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche, appelé VIP-Mont-Blanc, des chercheurs du laboratoire Biogéosciences (CNRS/Université de Dijon) et du laboratoire ThéMA (CNRS/Université de Besançon) ont décidé d’affiner les modèles climatiques globaux sur le massif du Mont Blanc.

Au lever du jour, deux alpinistes arrivent au col du Dôme (4 260 m), la voie normale d'ascension du Mont Blanc© Bruno JOURDAIN/LGGE/CNRS Photothèque

L'adaptation au changement climatique repose en grande partie sur les données de projection climatique issues de comparaison de modèles couplés appelées CMIP. Cependant, les résolutions spatiales des derniers modèles (CMIP5) sont comprises entre 100 et 200 kilomètres, ce qui n'est pas suffisant pour déterminer l’évolution des températures à une échelle régionale et sur les reliefs de montagnes. Dans cette nouvelle étude sur le Mont Blanc, les chercheurs ont utilisé un algorithme inédit, permettant d’augmenter considérablement la résolution spatiale et obtenir ainsi des estimations de température plus précises. Ce travail est sans précédent sur le Mont Blanc car le climat a pu être régionalisé à une résolution inédite de 200 m, en utilisant les simulations des 13 modèles climatiques globaux permettant une modélisation de 1950 jusqu'en 2100. Pour les décennies futures, les deux scénarios d'émissions de gaz à effet de serre les plus contrastés, appelé RCP 2.6 (optimiste) et RCP 8.5 (pessimiste), ont été pris en compte afin d’avoir l'ensemble de la variation des évolutions climatiques possible. Le premier permet de respecter les termes de l'accord de Paris et de maintenir le réchauffement global sous les 2°C, mais il semble aujourd'hui difficile à atteindre. Le second mène à une augmentation des températures de l'ordre de 5 à 6°C par rapport à l'ère préindustrielle et les premiers rejets de masse de gaz à effet de serre.

 

Un des résultats majeurs de ce travail a permis de déterminer l’évolution du nombre de jour de gel jusqu’en 2100, en fonction de ces deux trajectoires que pourrait suivre le réchauffement climatique. Pour le scénario le plus optimiste, les résultats montrent clairement une diminution du nombre de jours de gel. Cependant cette diminution reste relativement faible par rapport à ce que l’on connait aujourd’hui. En revanche, pour le scenario le plus pessimiste, celui que l’on semble suivre actuellement, les résultats pour la fin du XXIe siècle montrent des diminutions très importantes, et toujours croissantes, du nombre de jours de gel. En hiver, l’impact le plus important se situerait dans les vallées où l’on aurait une diminution des jours de gel de 30% par rapport à aujourd’hui. Il resterait très prononcé jusqu'à 3000m, où la fréquence de dégel pourrait croître de 30%. Cette évolution pourrait par exemple rendre plus incertaine la pratique des sports d'hiver, puisque les précipitations pluvieuses pourraient remplacer en partie les chutes de neige jusqu'à des altitudes élevées. En été, c’est la haute montagne qui serait la plus touchée : à des altitudes comprises entre 3500 et 4000 m, on pourrait avoir une diminution du nombre de jours de gel de 45 à 50% par rapport à aujourd’hui. Des évolutions similaires (35 à 40% de jours sans gel en été) seraient aussi enregistrées sur le sommet du Mont-Blanc, à 4810m, alors que ce type d'événements reste rarissime à l'heure actuelle (le sommet a connu de brefs épisodes de dégel comme pendant la canicule de l'été 2003).

 

Ce qui reste actuellement une exception pourrait donc se répéter environ un jour sur trois en fin de siècle. Cette augmentation de la température pourrait donc induire des bouleversements environnementaux importants, jusqu’alors jamais observés, qui modifieraient en profondeur le fonctionnement des écosystèmes et obligeraient l'homme à s'adapter.

 

Référence

Benjamin Pohl, Daniel Joly, Julien Pergaud, Jean-François Buoncristiani, Paul Soare et Alexandre Berger 2019. Huge decrease of frost frequency in the Mont-Blanc Massif under climate change. Nature Scientific Report

 

Contact

Jean François Buoncristiani
Laboratoire Biogéosciences (CNRS/EPHE/Univ Bourgogne/ AgroSup Dijon)
Benjamin Pohl
Laboratoire Biogéosciences (CNRS/EPHE/Univ Bourgogne/ AgroSup Dijon)
Daniel Joly
Laboratoire Théoriser et modéliser pour aménager (ThéMa - CNRS/Univ Bourgogne/Univ Franche-Comté
Emmeline Rousseau
Responsable communication - Délégation Centre Est