La vie en captivité modifie la relation entre le crâne et la mandibule chez le sanglier
La mise en captivité d’un animal sauvage réduit l’intensité des relations entre les structures anatomiques qui le composent. Ce changement pourrait expliquer l’apparition de nouvelles morphologies au cours de la domestication. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Anatomy par une équipe interdisciplinaire, incluant des chercheurs issus des laboratoires Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN), Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/Sorbonne Université/EPHE) et Mécanismes adaptatifs et évolution (MECADEV - CNRS/MNHN).
La mise en captivité d’un animal sauvage s’accompagne de nombreux changements dans sa morphologie liés à des modifications environnementales (vie dans un espace réduit et sur un substrat artificiel) et comportementales (activité musculaire répétitive et souvent pathologique). Parce qu’ils ont lieu au sein d’un même organisme, ces changements sont souvent corrélés : on parle alors d’intégration morphologique, définie comme la tendance de plusieurs structures anatomiques à varier conjointement de manière coordonnée. L’intensité de cette intégration peut varier au cours du temps en réponse à de nouvelles conditions environnementales, comme la mise en captivité. La quantification de cette intégration est essentielle car elle a un effet direct sur la capacité des structures anatomiques à évoluer ensemble et donc à permettre ou non l’apparition de nouvelles morphologies. Dans ce cadre, des scientifiques issus des laboratoires Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN), Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/Sorbonne Université/EPHE) et Mécanismes adaptatifs et évolution (MECADEV - CNRS/MNHN) ont cherché à définir l’effet de la mise en captivité sur l’intensité de l’intégration morphologique liant le crâne et la mandibule du sanglier.
A l’aide de méthodes de morphométrie géométrique en trois dimensions appliquées à des représentations digitales de crânes et de mandibules, les chercheurs ont pu comparer l’intensité de l’intégration entre ces deux structures anatomiques chez des populations de sangliers libres et captifs. Ces derniers sont issus d’un recherche expérimentale sur les effets de la captivité sur le squelette dirigée par Thomas Cucchi (AASPE) où des sangliers ont été capturés à l’âge de 6 mois et ont été élevés en captivité jusqu’à l’âge de 2 ans à la Réserve de la Haute Touche.
Les résultats de cette étude publiée dans la revue Journal of Anatomy montrent une intégration entre les morphologies du crâne et de la mandibule significativement plus faible chez les sangliers captifs par rapport aux sangliers libres. Ils confirment ainsi que les modifications environnementales et comportementales associées à un environnement clos affectent le niveau de corrélation des structures crâniennes. La mise en captivité, considérée comme une des premières étapes du processus de domestication, pourrait ainsi permettre une plus grande indépendance des structures crâniennes et mandibulaires et expliquer l’apparition de nouvelles morphologies chez les animaux domestiqués.
Référence
Neaux D, Blanc B, Ortiz K, Locatelli Y, Schafberg R, Herrel A, Debat V, Cucchi T. Constraints associated with captivity alter craniomandibular integration in wild boar. J Anat. 2021 Mar 13. doi: 10.1111/joa.13425. Epub ahead of print. PMID: 33713426.