La science parle-t-elle seulement en anglais ?

Résultats scientifiques

Des chercheuses et chercheurs, dont certains issus du laboratoire Ecologie Systématique Evolution (ESE - CNRS / Univ Paris-Saclay / AgroParisTech) se sont penchés sur la question de l’ouverture à des langues non anglaises pour élargir les données scientifiques à disposition. L’étude, parue dans Science of the Total Environment, montre que lorsque les chercheurs estiment les coûts économiques des espèces exotiques envahissantes, inclure 10 langues différentes ajoute plus de 200 milliards de dollars à ce coût par rapport à si seules les données en anglais étaient considérées.

Les déplacements internationaux de l’Homme et de ses marchandises ont pour effet secondaire de déplacer des milliers d’espèces dans de nouveaux écosystèmes, parmi lesquelles certaines s’installent, prospèrent et causent des dégâts. La science étudie et communique sur le sujet, mais toujours en anglais. Mais est-ce qu’elle prend en compte toutes les informations disponibles ?

Pour répondre à cette question, les écologues Elena Angulo et Franck Courchamp, du laboratoire Ecologie Systématique Evolution (ESE - Université Paris-Saclay / CNRS / AgroParisTech), ont mené un groupe de jeunes scientifiques de 18 pays différents à la recherche de données sur les coûts pour la société des espèces envahissantes. Chaque expert s’est dévoué à chercher les coûts existants dans tous les pays où sa langue native est parlée.

Dans un article publié sur le journal Science of the Total Environment, cette équipe internationale a pu alors mettre en évidence la surprenante richesse des informations en langues non-anglaises. Partant d’une base de données pourtant déjà riche de près de 2500 coûts, l’équipe a multiplié par quatre les données grâce à ces autres langues ; ils ont également trouvé des coûts pour plus de 240 espèces nouvelles, et pour 15 pays où il n’y avait pas des coûts reportés en anglais. Alors, dans quelle langue la science parle-t-elle ? Lorsque cette étude a été lancée, les chercheurs espéraient enrichir leur base de données de quelques pourcents, 10 % tout au plus. L’augmenter de 300 % a été une réelle surprise, révélant l’ampleur des données scientifiques existant dans d’autres langues que celle qui sert classiquement à véhiculer la science, l’anglais.

Les auteurs insistent sur la nécessité de ne pas négliger les langues non-anglaises dans les synthèses ou méta-analyses globales. Du français à l’espagnol et au portugais, en passant par l’allemand, le hollandais et le grec, mais aussi le russe, l’arabe, le chinois ou le japonais, des coûts ont été trouvés dans presque toutes les langues recherchées. En plus d’une science sans frontières linguistiques, les auteurs ont montré l’importance du langage pour une communication efficace entre tous les acteurs qui travaillent avec les espèces exotiques envahissantes : experts scientifiques et experts professionnels de la gestion sur le terrain.

Une information globale fiable nécessite donc une information multi langues et multi acteurs. En ce qui concerne ces travaux, c’est la base d’une meilleure compréhension du coût des espèces envahissantes, pour informer correctement les plans de gestion de ces espèces au niveau mondial. 

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Crédits : Elena Angulo

 

Les objectifs de développement durable

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  • ODD 3 - Bonne santé et bien-être
  • ODD 8 - Travail décent et croissance économique
  • ODD 14 - Vie aquatique
  • ODD 15 - Vie terrestre

Références

Angulo E, Diagne C, Ballesteros-Mejia L, Adamjy T, Ahmed DA, Akulov E, Banerjee AK, Capinha C, Dia CAKM, Dobigny G, Duboscq-Carra VG, Golivets M, Haubrock PJ, Heringer G, Kirichenko N, Kourantidou M, Liu C, Nuñez MA, Renault D, Roiz D, Taheri A, Verbrugge L, Watari Y, Xiong W, Courchamp F. (2021) Non-English languages enrich scientific knowledge: the example of economic costs of biological invasions. Science of the Total Environment

Contact

Eléna Angulo
Laboratoire Ecologie Systématique Evolution (ESE - Université Paris-Saclay / CNRS / AgroParisTech)
Franck Courchamp
Laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE - CNRS / Université Paris-Saclay / AgroParisTech)
Sandrine Fontaine
Correspondante communication : Laboratoire Écologie, Systématique et Évolution (ESE) (CNRS/AgroParisTech/Université Paris Saclay),
Béatrice Albert
Communication - Laboratoire d’Ecologie, Systématique et Evolution (ESE - CNRS, Université Paris-Sud/Paris-Saclay, AgroParisTech)