La géochimie révèle le commerce antique du coton entre l'Arabie et l'Inde

Résultats scientifiques

Le coton est un produit apprécié et son commerce est connu depuis l’Antiquité. Mais l’origine géographique du coton trouvé en contexte archéologique reste difficile à préciser. Une étude, publiée dans la revue Scientific Reports le 11 janvier 2021 par des chercheur.e.s du Muséum national d'Histoire naturelle, du CNRS et du CEA montre que la composition isotopique en strontium du coton peut être utilisée comme traceur des échanges commerciaux durant l’Antiquité. Les analyses, qui portent sur du coton antique mis au jour dans le sud-est de l’Arabie, indiquent une origine non locale, probablement en provenance du sous-continent indien. Ces résultats attestent de la diffusion précoce de la plante, qui sera ensuite cultivée de manière extensive dans des oasis locales, et finalement à travers le monde. 

La péninsule arabique est située au carrefour de plusieurs régions géographiques : l'Afrique orientale, le sous-continent indien, le Proche-Orient et la Méditerranée. Grâce à cette position stratégique, l'Arabie, par ses habitants, ses navigateurs et ses marchands, a contribué à la diffusion des espèces animales et végétales depuis la préhistoire. Cependant, les liens étendus avec les sphères commerciales indiennes et africaines rendent complexe la reconstitution des trajectoires de diffusion des plantes en Arabie dans l'Antiquité. Le coton (Gossypium sp.), une plante d'origine tropicale et subtropicale, apparaît sur plusieurs sites de la péninsule arabique au tournant du 1er millénaire avant l'Ère Commune (EC) et sa diffusion dans cet environnement aride et non indigène est un marqueur des dynamiques d’échange à ce moment crucial de l'histoire de l'humanité. Deux questions clés restent en suspens : 1) la provenance, c'est-à-dire l'origine locale ou importée du coton 2) le moment précis de l'arrivée et de sa propagation.

Le site antique de Mleiha, situé dans la péninsule d'Oman (aujourd'hui Émirats arabes unis), est un cas rare et significatif où de riches vestiges archéobotaniques (graines et tissus en coton) datant de la fin de la période préislamique (IIe-IIIe siècle EC) ont été très bien conservés dans un bâtiment fortifié grâce à un incendie. Pour mieux comprendre le commerce et/ou la production initiale du coton dans cette région, les isotopes de strontium des restes de coton sont utilisés comme un puissant traceur. Les résultats d’une étude parue dans Scientific Reports le 11 janvier 2021 indiquent que ces restes ne provenaient pas de la péninsule d'Oman, mais plus probablement de régions plus éloignées, la côte nord-ouest de l'Inde étant une provenance isotopiquement compatible. Cette hypothèse est étayée par des preuves archéologiques et textuelles de l'existence de centres de production de coton dans certaines régions indo-pakistanaises durant l’Antiquité. Ces faisceaux d’indice indépendants montrent que le commerce maritime à longue distance entre la péninsule d'Oman et l'Inde occidentale était bien établi à cette époque. La présence de ces textiles non locaux et des graines trouvées sur place suggère également que la culture du coton dans les oasis voisines n'était pas encore une pratique courante, ou du moins qu'elle en était à ses débuts.

Tissu de coton archéologique du site de Mleiha, Émirats arabes unis.
Tissu de coton archéologique du site de Mleiha, Émirats arabes unis.
Crédit: S. Ryan.

 

Références

Ryan, S.E., Dabrowski, V., Dapoigny, A., Gauthier, C., Douville, E., Tengberg, M., Kerfant, C., Mouton, M., Desormeau, X., Noûs, C., Zazzo, A., Bouchaud, C., Forthcoming. Strontium isotope evidence for a trade network between southeastern Arabia and India during Antiquity. Scientific Reports. 1-10.

Contact

Antoine Zazzo
Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN)