Être une fille ou un garçon au Néolithique : quelle importance ?

Résultats scientifiques

Une étude pionnière menée dans le nord de la France (Vallée de l’Yonne ; ca. 4800-4500 BC cal.) suggère que le sexe de l’enfant et son statut social peuvent être intimement liés et que des modifications alimentaires et/ou de mobilité s’opèrent probablement autour de 8-9 ans et de 14 ans. Ces informations ont pu être obtenues à partir de l’analyse des compositions isotopiques du carbone (δ13C), de l’azote (δ15N) et du soufre (δ34S) d’un échantillonnage dentaire spécifique. Les résultats montrent qu’entre 2,5 et 8-9 ans, garçons et filles semblent partager les mêmes environnements et une alimentation similaire. Des modifications sont ensuite visibles avec une différenciation spécifique autour de 14 ans pour être très significatives à l’âge adulte. Outre des distinctions alimentaires, ces données corroborent les résultats d’autres études, notamment en génétique, indiquant une mobilité différentielle entre les individus féminins et masculins en faveur d’une organisation sociale de type patrilocale. Cette étude vient d’être publiée dans la revue internationale Journal of Archaeological Science: Reports. Elle a été réalisée en collaboration avec les laboratoires De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - Univ. Bordeaux / CNRS / Minist. Culture) et Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA - Univ. AMU / CNRS / Minist. Culture).

Les différences comportementales entre femmes et hommes dans les premières communautés agropastorales néolithiques sont régulièrement mises en évidence à partir d’indicateurs mesurés sur les ossements. Ces différences peuvent résulter de plusieurs facteurs socio-organisationnels (relations, activités et accès aux ressources) et/ou environnementaux (mobilité différentielle des hommes et des femmes). Des différences sociales sont également proposées en fonction de l’âge de l’enfant dans ces mêmes communautés sur la base des données funéraires. Une étude pionnière dans le nord de la France (Vallée de l’Yonne ; ca. 4800-4500 cal. BC; fig. 1) suggère que le sexe de l’enfant et son statut social peuvent être intimement liés et que des modifications alimentaires et/ou de mobilité s’opèrent probablement autour de 8-9 ans et de 14 ans. Ces informations ont pu être obtenues à partir d’un échantillonnage particulier effectué sur 19 secondes molaires permanentes d’individus humains et à partir de l’analyse des compositions isotopiques du carbone (δ13C), de l’azote (δ15N) et du soufre (δ34S). Les résultats ont ensuite été comparés à ceux obtenus dans l’os, permettant ainsi d’avoir un suivi de l’histoire de vie de ces individus entre environ 2,5 ans et 16 ans (temps de formation de la dentine de la M2) puis à un moment plus ou moins proche du décès (renouvellement permanent du tissu osseux tout au long de la vie) (fig. 2).

Figure 1. Localisation des sites archéologiques investigués dans cette étude (©L. Rey).

Figure 1. Localisation des sites archéologiques investigués dans cette étude (©L. Rey).

Les résultats proposent une fenêtre de lecture sur trois moments distincts de la vie de ces jeunes néolithiques : 

  • de 2,5 à 8-9 ans, garçons et filles partagent probablement le même espace de vie et les mêmes comportements alimentaires ; 
  • à partir de 8-9 ans une première différence s’opère, peut-être en lien avec une répartition des tâches propre à chaque sexe ;
  • aux alentours de 14 ans une autre différenciation peut être mise en relation non seulement avec des modifications alimentaires mais aussi avec une mobilité différentielle entre individus féminins et masculins dans le cadre d’une organisation sociale de type patrilocale.

Ce schéma doit être plus amplement investigué en multipliant le nombre de sujets et en combinant d’autres approches biogéochimiques (en cours) et ostéologiques (e.g. marqueurs d’activité) par exemple. Toutefois, l’intimité sociale de ces premiers agriculteurs et éleveurs commence à être révélée.

Figure 2. Compositions isotopiques du carbone (C), de l’azote (N) et du soufre (S) dans les séquences de dentine de sujets féminin et masculin (©L. Rey).

Figure 2. Compositions isotopiques du carbone (C), de l’azote (N) et du soufre (S) dans les séquences de dentine de sujets féminin et masculin (©L. Rey). 

 

Contact

Gwenaëlle Goude
Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA - Univ Aix-Marseille/CNRS/MC) )
Léonie Rey
Laboratoire De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - Univ. Bordeaux / CNRS / Minist. Culture)
Stéphane Rottier
De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Ministère de la culture/Univ. de Bordeaux)
Vincent Ollivier
Communication - Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA - Univ Aix-Marseille/CNRS/MC)
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)