Erosion chimique des surfaces continentales et apports d’éléments dissous à l’océan

Résultats scientifiques

L’estimation des flux d’éléments apportés à l’océan est un sujet de débat depuis un siècle. Dans ces apports, les fleuves jouent le rôle principal et transfèrent des matières dissoutes et particulaires des continents vers l’océan. Ces transferts permettent d’appréhender les bilans d’érosion chimique et mécanique des continents et de mieux comprendre le fonctionnement biogéochimique des surfaces continentales (aujourd’hui zone critique), notamment la consommation de gaz carbonique par l’altération des roches. A l’ère de l’Anthropocène, ces bilans et ces mécanismes de transfert continents-océan sont fortement perturbés par le changement climatique et les activités anthropiques. Le travail publié dans Global and Planetary Change, propose une nouvelle méthode d’estimation des flux d’éléments majeurs dissous (cations et anions) à l’échelle globale vers l’océan, calculés à partir de bases de données globales existantes. Cette étude est le fruit de la collaboration entre le Laboratoire Ecologie fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/Toulouse INP), l’Université du Pays Basque (UPV/EHU), l’Institut de Géologie (Université de Hamburg), et le Laboratoire Biogéosciences (CNRS / EPHE / Université de Bourgogne Franche-Comté).

L’érosion chimique de la zone critique est l’une des principales sources d’éléments majeurs dissous qui contrôlent la composition chimique des eaux de surface, et qui sont transférés par les fleuves des continents vers l’océan. L’altération chimique de chaque type de roche libère différents éléments vers les eaux, et la lithologie est donc un facteur clé pour déterminer la nature et l’intensité des flux de matières dissoutes qui seront transférés par les rivières et les fleuves. De plus, les conditions hydrologiques contrôlent en amont les quantités d’eau qui vont drainer les sols et les roches et les interactions eaux-minéraux dans la zone critique. Le grand nombre de paramètres impliqués dans les processus d’érosion chimique et leur variabilité spatiale sont un défi majeur pour estimer les flux d’ions en solution dérivés de ces processus, qui représentent la plus importante source d’éléments dans l’environnement.

Les premiers résultats d’analyses des flux de matières dissoutes transportées par les rivières et les fleuves ont été présentés par F.W. Clarke en 1924 et ont été suivis de nombreux autres travaux souvent divergents en termes de bilan global.  L’étude parue dans le journal Global and Planetary Change en juin 2020 a estimé par modélisation empirique les flux globaux de chacun des cations et anions majeurs libérés en solution par l’érosion chimique des sols et des roches continentales et transportés par les fleuves vers l’océan. Elle prend en compte la composition lithologique des roches, les caractéristiques des sols, et l’hydrologie dans un contexte spatial distribué. Le modèle numérique a été développé, calibré, et validé à partir des données observées sur près de 1750 rivières et fleuves du monde. Il a permis l’estimation à l’échelle globale des flux de chaque cation et anion dissous ainsi que leur distribution spatiale. L’effet du sol sur les flux de chaque ion a aussi été étudié. L’équipe, composée de chercheur.ses du Laboratoire Ecologie fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/Toulouse INP), de l’Université du Pays Basque (UPV/EHU), de l’Institut de Géologie (Université de Hamburg), et du Laboratoire Biogéosciences (CNRS / EPHE / Université de Bourgogne Franche-Comté), a pu mettre en évidence que certains types de sols protégeaient la roche de l’érosion chimique, mais leur effet protecteur n’est pas le même pour tous les ions. Cet effet est important pour l’identification des hotspots à l’échelle globale.

Les résultats de cette étude ont permis de représenter la distribution spatiale de l’intensité de l’érosion chimique et d’estimer les flux d’ions libérés à l’échelle de la planète. Cette étude permet aussi d’identifier à la surface des continents, les hotspots de l’érosion chimique. Ces résultats permettront aussi d’évaluer d’autres processus à grande échelle, comme les cycles biogéochimiques dans l’océan, et/ou de réévaluer l’effet de l’érosion chimique des continents sur la consommation de CO2 atmosphérique et biosphérique dans un contexte de changements globaux.

Flux de matières dissoutes
Flux de matières dissoutes libérés par l'érosion chimique des surfaces continentales et transportés vers les océans : hotspots et bilans globaux.

 

Référence :

J.L. Lechuga-Crespo, J.M. Sánchez-Pérez, S. Sauvage, J. Hartmann, P. Amiotte Suchet, J.L. Probst, E. Ruiz-Romera. (2020). A model for evaluating continental chemical weathering from riverine transports of dissolved major elements at a global scale, Journal of Global and Planetary Change, 192, 103226

Contact

Juan Luis Lechuga-Crespo
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)
José Miguel Sanchez Pérez
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)
Catherine Donati
Correspondante communication - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)