La plus ancienne utilisation d’olive par Homo sapiens

Résultats scientifiques

Dans cet article, nous présentons les résultats d’une étude qui montre qu’au Maroc pendant l’interstade interglaciaire 5 (Éémien), les hommes modernes vivant dans les grottes et les abris sous roches des côtes atlantiques marocaines ont largement utilisé les ressources végétales de leur environnement et en particulier l’olivier sauvage. Ces résultats sont établis par un consortium de chercheurs français, européens et marocains.

Ces recherches ont été conduites sous le pilotage de Thierry Otto du laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement (CNRS / Université Toulouse III - Paul Sabatier/Toulouse INP), en examinant des charbons de bois et des fragments de noyaux provenant de deux grottes du nord du Maroc. L'étude a été publiée dans la revue Nature Plants.

Depuis leur découverte en 1956 et 1977, les grottes d'El Mnasra et d'El Harhoura ont livré de précieuses découvertes archéologiques du Paléolithique. Il s'agit par exemple d'outils en pierre et en os ou de coquillages travaillés. Les grottes de la région de Rabat-Temaria jouent donc un rôle important dans la recherche sur l'évolution et la diffusion de l'homme moderne en Afrique.

L'olivier est l'un des premiers arbres cultivés. C’est une plante emblématique du Bassin méditerranéen. La première preuve de sa présence en contextes archéologiques est datée d’il y a 790 000 ans. Nous rapportons ici une utilisation précoce de l'olive sauvage il y a 117 000 ans. Des charbons d'oliviers sauvages et des noyaux d'olives brisés et carbonisés ont été découverts dans des résidus de combustion dans les grottes d'El Harhoura 2 et d'El Mnasra (Maroc). Ces résultats révèlent la présence de l'olivier sauvage dans la partie la plus occidentale du Bassin méditerranéen au cours de la dernière glaciation et son utilisation pour des stratégies de subsistance clés telles que la consommation et le combustible. Ils apportent aussi de nouveaux éclairages sur les relations entre taphonomie et représentativité des assemblages anthracologiques en contexte archéologiques.

Dans le Bassin méditerranéen, l'olive et ses dérivés sont utilisées intensivement par l'homme depuis le Néolithique, notamment comme aliment, combustible, source de lumière, en médecine et en cosmétique. Il y a 6000 ans, l'olivier a été l'un des premiers arbres à être cultivé pour son huile. L'olive est même mentionnée dans la mythologie et les religions en raison de sa grande importance. Mais si l'on remonte plus loin dans le temps, les découvertes se font rares - ce qui pourrait être dû au fait que l'olivier n'était pas très répandu autrefois. Pendant la dernière période glaciaire, l'olivier sauvage poussait surtout sur la côte atlantique du Maroc et dans le sud de la Péninsule ibérique.

Une utilisation consciente

Certes, les études n'ont pas pu démontrer clairement que les olives étaient également consommées et pas seulement utilisées comme combustible. Il serait possible que des branches d'olivier entières aient été jetées dans le feu et que les fruits qui y étaient attachés aient simplement brûlé, explique les scientifiques. Cependant le fait que les noyaux d'olives retrouvés soient brisés en de nombreux petits morceaux s'y oppose. Tout porte donc à croire que les gens ont d'abord utilisé la pulpe du fruit et ont ensuite délibérément brisé les noyaux (utilisation de l’amandon) avant de les jeter au feu pour éliminer les déchets.

Les noyaux d'olive contiennent beaucoup d'huile et de lignine, une molécule responsable de la formation du bois. Les résidus de noyaux d'olives cassés produisent un feu à combustion lente qui convient très bien à la cuisson. Les fragments de noyaux séchés produisent en outre des flammes sans fumée, ce qui aurait été un grand avantage, surtout pour les habitants des grottes.

L’autre point important de cette découverte est le grand nombre des fragments (noyaux et charbons) d’olivier face aux autres taxons potentiels. Dans de très nombreux sites, lorsque l’on examine la liste des taxons présents, on constate que celle-ci n’est jamais constituée d’une liste ne comprenant qu’un taxon majoritaire. Dans notre cas, l’olivier est très largement majoritaire.

Cela nous a conduit à discuter des effets de la fragmentation qui fait que les charbons les plus fragiles se sont fragmentés au point de ne plus apparaitre dans les résultats des fouilles. Seul l’olivier dont le bois et les noyaux disposent d’une structure suffisamment dense semblent avoir résisté.

Noyaux d’Olea europaea fossiles © W. Kofler
Noyaux d’Olea europaea fossiles
© W. Kofler

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire d'écologie fonctionnelle et environnement (LEFE - CNRS / UPS / INPT)
  • Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE - CNRS/MNHN)
  • Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés (TRACE - CNRS / Université Toulouse Jean-Jaurès)
  • Histoire Naturelle de l'Homme Préhistorique (HNHP - CNRS / MNHN)

Référence

L.Marqer, T.Otto, et al. The first use of olives in Africa around 100,000 years ago, Nature Plants, 22 March 2022

Contact

Thierry Otto
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)
Catherine Donati
Correspondante communication - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS/Univ Toulouse Paul Sabatier/INP Toulouse)