La condition physique n’est pas un bon indicateur des effets toxiques du mercure chez les oiseaux sauvages

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Le mercure, omniprésent dans l’environnement, est connu pour avoir de nombreux effets négatifs sur la santé humaine et animale. Cependant, les études s’étant intéressées à une éventuelle relation entre la contamination au mercure et la condition physique des organismes ont montré des résultats contradictoires. Étudier cette relation est important, car la condition physique est un indice de santé qui pourrait simplifier l’évaluation de la toxicité du mercure. De nouvelles recherches ont permis de faire la lumière sur ce sujet controversé en utilisant les oiseaux comme modèle d’étude. Ce travail, publié dans la revue Biological Reviews, a montré qu’il n’existe pas de relation entre contamination au mercure et condition physique, et donc que cet indice ne peut pas être utilisé pour évaluer la toxicité du mercure chez les oiseaux sauvages.

oiseaux marins
Hg : mercure. Panneaux du haut : chardonnerets élégants (passereaux, gauche), échasse blanche (limicoles, droite). Panneaux du bas : albatros fuligineux à dos clair (oiseaux marins, gauche), busard cendré (rapaces, droite). Crédits photo : A. Carravieri, V. Bretagnolle.

Les activités humaines ont augmenté drastiquement la quantité de mercure en circulation dans l’environnement au cours des dernières décennies. Malgré les régulations internationales (Convention de Minamata https://www.mercuryconvention.org/fr), les concentrations de ce métal continuent d’augmenter dans certaines régions. Pour préserver la santé humaine et animale, il est donc nécessaire de surveiller les niveaux de mercure dans l’environnement, d’en comprendre les effets toxiques, et ainsi d’évaluer le risque auquel les organismes font face dans leur milieu naturel. Cependant, évaluer ces risques chez les animaux sauvages n’est pas simple, car de nombreux facteurs environnementaux, comme la disponibilité de nourriture, les conditions climatiques ou les maladies, peuvent masquer les effets toxiques du mercure. Les oiseaux sont d’excellents bioindicateurs de la contamination au mercure dans l’environnement et sont sensibles à ses effets repro- neuro- ou immunotoxiques. Leur condition physique (indice de santé obtenu en corrigeant la masse d’un animal par sa taille : plus l’indice est faible et plus l’animal est en mauvaise santé) est facilement mesurable dans le cadre des suivis ornithologiques et donc largement étudiée à l’échelle globale. Ainsi, cet indice pourrait s’avérer un bon indicateur des effets du mercure sur les oiseaux.

Néanmoins, les précédentes études ont montré des résultats contradictoires, avec parfois des effets positifs, négatifs, ou aucun effet. Dans cette nouvelle étude, dirigée par des chercheurs du laboratoire Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS/La Rochelle Université) en collaboration avec d’autres laboratoires français et internationaux, 51 jeux de données existants sur la relation entre mercure et condition physique chez les oiseaux (147 espèces incluant des passereaux, des limicoles, des oiseaux marins et des rapaces) ont été rassemblés. En utilisant des techniques statistiques qui permettent de prendre en compte des facteurs confondants (région, saison, phylogénie, régime alimentaire des oiseaux, etc.), ces travaux ont montré que la contamination au mercure et la condition physique ne sont pas associées chez les oiseaux sauvages. Cependant, les études en laboratoire sur des oiseaux captifs dans des conditions contrôlées, montrent des associations positives ou négatives en fonction de l’étude, sans tendance globale.

Ces résultats montrent que l’effet du mercure sur la condition physique dépend d’une multitude de facteurs complexes, et qu’il est donc difficile à détecter dans la complexité des systèmes naturels. Ainsi, ces travaux, publiés dans la revue Biological Reviews de la Cambridge Philosophical Society, soulignent que la condition physique n’est pas un bon indicateur des effets toxiques du mercure sur la santé des oiseaux sauvages, et invitent la communauté scientifique à utiliser d’autres indicateurs, comme la capacité de se reproduire, pour comprendre les risques liés au mercure chez les animaux.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Université)
  • Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
  • Chrono-environnement (CNRS / COMUE Université Bourgogne Franche Comté)
  • Laboratoire d'Écologie Alpine (LECA - CNRS / UGA / USMB)

Objectifs de développement durable

pictODD

  • Objectif 14 – Vie aquatique

Référence

Carravieri, A.*, Vincze, O.*, Bustamante, P., Ackerman, J.T., Adams, E.M., Angelier, F., Chastel, O., Cherel, Y., Gilg, O., Golubova, E., Kitaysky, A., Luff, K., Seewagen, C.L., Strøm, H., Will, A.P., Yannic, G., Giraudeau, M. and Fort, J. (2022), Quantitative meta-analysis reveals no association between mercury contamination and body condition in birds. Biological Reviews.

Contact

Alice Carravieri
Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Université)
Jérôme Fort
Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Univ.)
Armelle Combaud
Communication - Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Univ.)