Le genre et les souris : le chromosome Y n’est pas toxique que pour les mâles

Résultats scientifiques

Chez les animaux, y compris les humains, de récentes études ont souligné l’influence des chromosomes sexuels sur le processus de sénescence. Au sein d’une espèce, les individus hétérogamétiques, c’est-à-dire ceux qui portent deux chromosomes sexuels différents, mâles XY (la plupart des mammifères) ou femelles ZW (par exemple chez les oiseaux), affichent une durée de vie plus courte et un taux de survie plus faible que leurs congénères homogamétiques (femelles XX ou mâles ZZ). Cependant, il reste à déterminer si cet effet toxique de l’hétérogamétie s’étend à d’autres éléments permettant d’évaluer les effets de l’âge comme la senescence reproductive. Chez la souris naine africaine Mus minutoides, les femelles peuvent porter trois combinaisons de chromosomes sexuels (XX, XX* et XY). Nous avons montré que la taille des portées à la naissance diminuait significativement plus vite chez les femelles hétérogamétiques portant naturellement un chromosome Y (X*Y) que chez les femelles homogamétiques XX et X*X avec l'âge. Ces résultats, publiés dans la revue PNAS, suggèrent que la présence du chromosome Y chez ces femelles affecte la senescence reproductive et souligne les interactions fortes entre chromosomes sexuels et vieillissement. 

En résumé

Certaines espèces de mammifères comme la souris naine Mus minutoides présentent des femelles portant naturellement un chromosome Y.

• La taille de leurs portées diminue significativement plus vite avec l’âge par rapport aux femelles homogamétiques.

• Ces résultats soulignent les interactions fortes entre chromosomes sexuels et vieillissement. 

En France, les femmes vivent en moyenne jusqu’à 85,6 ans contre 79,7 ans pour les hommes.  Ces écarts de longévité entre les sexes sont communément observés chez les mammifères où les femelles (XX) ont une plus grande longévité que les mâles (XY). Chez les oiseaux, où les femelles sont ZW et les mâles ZZ, l’inverse a été documenté suggérant un rôle des chromosomes sexuels dans le vieillissement. En effet, dans ces deux groupes, le sexe hétérogamétique (XY ou ZW) montre une plus faible survie adulte que le sexe homogamétique (XX ou ZZ). Ainsi, dès le début du XXème siècle, une théorie selon laquelle le sexe hétérogamétique serait défavorisé en termes de survie a émergé. 

Nous avons testé cette hypothèse grâce à un modèle biologique particulier, la souris naine africaine Mus minutoides. Cette espèce présente un système de déterminisme sexuel atypique qui se démarque par la présence d’un 3ème chromosome sexuel, X*, porteur d’une mutation, encore inconnue, qui bloque en amont le programme « mâle » initié par le chromosome Y. Ainsi, on retrouve chez cette espèce des mâles présentant un génotype XY et des femelles présentant trois génotypes XX, X*X et X*Y. 

Grâce à un suivi d’élevage de plusieurs années, notre étude a révélé une diminution générale des performances de reproduction avec l'âge chez tous les génotypes femelles de cette espèce. Mais de manière surprenante, la taille des portées à la naissance diminue plus vite chez les femelles hétérogamétiques X*Y que les femelles homogamétiques XX et X*X avec l'âge, ce qui est caractéristique d'une senescence reproductive plus marquée. En effet, les femelles X*Y mettent bas près d'un petit en moins par portée tous les 100 jours comparées au femelles XX ou X*X (voir figure 1). Ces résultats soutiennent l’idée que porter une paire de chromosomes sexuels différents affecte plusieurs aspects des processus de vieillissement, qu’ils soient liés à la survie ou à la reproduction. 

 

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Figure 1. Trois souris, côte à côte, représentant les trois génotypes distincts des femelles de cette espèce.

Chez une espèce proche, Mus triton, les mâles et les femelles sont tous X0, les mâles ayant perdu le Y et les femelles le second X. Prises ensemble, ces deux espèces de souris naines africaines ouvrent de nouvelles perspectives quant à notre compréhension des déterminants génétiques du genre et de l’action négative de l’hétérogamie sur le processus de sénescence. 

Référence de la publication 

Lemaître, J., Voituron, Y., Herpe, L., & Veyrunes, F. (2024). X*Y females exhibit steeper reproductive senescence in the African pygmy mouse. Proceedings Of The National Academy Of Sciences. Publié le 30 décembre 2024.

Laboratoire CNRS impliqués 

  • Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés (EHNA - CNRS, Univ Claude Bernard, Lyon I), Villeurbanne, France. 

     

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