De nouvelles bactéries transmises par les tiques découvertes en Guyane

Résultats scientifiques Ecologie de la santé
  • Les tiques des forêts tropicales de Guyane transmettent des bactéries responsables de maladies zoonotiques (transmissibles à l'humain).
  • Des nouvelles espèces de bactéries des genres Anaplasma et Ehrlichia ont été observées pour la première fois chez les tiques et la faune sauvage guyanaises.
  • Certaines de ces bactéries peuvent être transmises à l’Homme et présentent un risque pour la santé.

 

Les tiques sont responsables de la transmission de nombreuses zoonoses, des maladies infectieuses transmises de l’animal à l’humain. Une étude publiée dans Nature Communications a  mis en évidence de nouvelles espèces bactériennes, inconnues jusqu’à présent, transmises par les tiques à la faune sauvage dans les forêts tropicales de Guyane. Ces bactéries hautement endémiques, appartenant aux genres Anaplasma et Ehrlichia, ont évolué des cycles de transmission uniques, spécifiques aux tiques, mammifères et oiseaux de Guyane, mais des transmissions à l’humain existent.

Vecteurs majeurs d’agents pathogènes, les tiques sont particulièrement bien connues en Europe pour leur rôle dans la propagation de zoonoses comme la maladie de Lyme. En se nourrissant aux dépends de la faune sauvage, les tiques peuvent ensuite transmettre des pathogènes zoonotiques à l’humain. La Guyane est un point chaud de biodiversité du fait des forêts Amazoniennes anciennes qui, outre une importante faune sauvage, abritent de nombreuses espèces de tiques. Le suivi d’humains, de faune sauvage, et de tiques vivant au sein de ces forêts tropicales humides a révélé l’existence d’une grande diversité de bactéries transmises par les tiques, jusqu'alors inconnues.

L'anaplasmose et l’ehrlichiose sont les maladies transmises par les tiques les plus fréquemment signalées chez l'Homme après la maladie de Lyme. Ce sont également les maladies à tique les plus courantes chez le bétail, entrainant des pertes économiques majeures. Ces maladies sont causées par l’infection par des bactéries des genres Anaplasma et Ehrlichia. Plusieurs espèces de ces bactéries sont déjà connues dans l’hémisphère nord pour être à l’origine de maladies émergentes préoccupantes comme l’anaplasmose granulocytaire humaine et l'ehrlichiose monocytaire humaine. Ces travaux, menés par des chercheurs du CNRS de Montpellier, mettent en évidence une majorité de nouvelles souches et d'espèces inconnues ailleurs. Ils mettent en évidence que les forêts tropicales humides de la Guyane constituent l'une des régions au monde hébergeant la plus forte biodiversité d’Anaplasma et d’Ehrlichia. Paradoxalement, les espèces pouvant infecter l’humain, comme Anaplasma phagocytophilum, responsable de l’anaplasmose granulocytaire humaine, et Ehrlichia chaffeensis, responsable de l'ehrlichiose monocytaire humaine, n’ont pas été observées en Guyane.

Des analyses métagénomique et de phylogénomique montrent que la plupart de ces agents infectieux sont hautement endémiques, avec une majorité de nouvelles espèces spécifiques à cette région. Alors que les ruminants et les rongeurs sont les principaux hôtes animaux de la plupart des Anaplasma et des Ehrlichia dans l'hémisphère nord, les espèces de Guyane infectent d’autres types d’animaux (opossums, paresseux, tatous, passereaux, etc.), indiquant qu'ils ont des cycles de transmission spécifiques adaptés aux écosystèmes amazoniens. Le séquençage du génome de nouvelles espèces, comme Anaplasma sparouinense infectant les humains, Anaplasma amazonensis infectant les paresseux et Ehrlichia cajennense détectée seulement une fois chez une tique, indique que ces bactéries possèdent toutes des gènes homologues aux facteurs de virulence identifiés chez les espèces connues comme étant pathogènes pour les humains et les animaux domestiques dans l'hémisphère nord.

Il est encore trop tôt pour estimer le risque sanitaire que pourrait présenter ces nouvelles maladies à tique pour les populations humaines et animales de Guyane. Leur simple existence nous rappelle toutefois que notre connaissance de la diversité des agents pathogènes circulant dans les zones naturelles peu explorées reste encore très partielle. L’expansion des activités humaines dans ces régions conduira inévitablement les populations à s’exposer à ces agents infectieux.

Référence de la publication

Buysse, M., Koual, R., Binetruy, F., De Thoisy, B., Baudrimont, X., Garnier, S., Douine, M., Chevillon, C., Delsuc, F., Catzeflis, F., Bouchon, D., & Duron, O. Detection of Anaplasma and Ehrlichia bacteria in humans, wildlife, and ticks in the Amazon rainforest. Nature Communications, publié le 11 mai 2024.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS / IRD / Univ. Montpellier)
  • Biogéosciences (BGS - CNRS / Univ. Bourgogne)
  • Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (ISEM - CNRS / IRD / Univ. Montpellier)
  • Écologie & Biologie des Interactions (EBI - CNRS / Univ. Poitiers)

Contact

Olivier Duron
Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)
Katia Grucker
Correspondante communication - Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (MIVEGEC - CNRS/IRD/Université de Montpellier)