Découverte de la plus ancienne représentation phallique en Eurasie

Résultats scientifiques

Les résultats de cette publication présentent la découverte de la plus ancienne représentation phallique, un pendentif fabriqué et porté en Mongolie il y a 42 000 ans. Cette découverte montre l’émergence des représentations sexuées dans une région et à une période où Homo sapiens rencontre vraisemblablement des Dénisoviens et des Néanderthaliens. Ces contacts ont surement changé la perception que les Hommes avaient d’eux mêmes et qui a été matérialisée à travers des innovations symboliques. Cette recherche est publiée dans Nature Scientic Report par une équipe internationale impliquant le CNRS, l’Université de Bordeaux, le collège de France, et des institutions de recherche en Mongolie, aux Etats-Unis, au Royaume Uni, en Italie, en Allemagne, en Russie et au Japon.

Les représentations figuratives dans l'art apparaissent pour la première fois il y a environ 50 000 ans en Europe, en Afrique et en Asie du Sud-Est. Considérées comme une forme avancée de comportement symbolique, elles ne sont produites que dans notre lignée. Nous présentons ici un objet de parure interprété comme une représentation phallique. Il a été découvert dans une couche archéologique du Paléolithique supérieur datée de 42 000 ans environ, sur le site archéologique de Tolbor-21, en Mongolie.

Les analyses minéralogiques indiquent que le pendentif a été réalisé sur de la graphite, un minéral tendre et noir, qui n’était pas présent dans l’environnement immédiat du site. Les analyses microscopiques et rugosimétriques indiquent que le pendentif a une histoire fonctionnelle complexe et a été introduit en court d’utilisation sur le site.

Les modifications du pendentif pour représenter un phallus sont assez simples. Les caractéristiques les plus marquantes sont une courte rainure représentant le méat urétral externe et une autre rainure pour le sillon balano-préputial. Les représentations simplifiées à la limite de l'abstraction sont courantes dans les archives préhistoriques et les figurations des modèles sont souvent réduites à leurs attributs les plus saillants et reconnaissables. Les caractéristiques observées sur le pendentif de Tolbor-21 ˗̶  une rainure à la section médiane de l’objet et une courte rainure profonde à une extrémité ˗̶  figurent parmi les caractéristiques les plus marquantes utilisées pour identifier les représentations phalliques dans divers contextes régionaux et chronologiques. Le processus de codification de ce symbole repose sur des conventions stylistiques connues et comprises au sein des groupes.

Illustration
Localisation du site archéologique de Tolbor-21 (a), industries en pierre taillée découverte sur le site (b), stratigraphie des couches archéologiques (c), pendentif en forme abstraite de phallus (d), résultats de l’analyse rugosimétrique. ©Rigaud

La découverte de Tolbor-21 précède la plus ancienne représentation anthropomorphique sexuée connue. Elle atteste que les communautés de chasseurs-cueilleurs ont utilisé les attributs anatomiques sexuels comme symbole très tôt après leur dispersion en Asie Centrale. Le pendentif a été fabriqué au cours d'une période qui coïncide avec les estimations de l'âge d’événements de mélange génétique entre Homo sapiens, Néanderthaliens et Denisoviens, et dans une région où de telles rencontres sont plausibles.

Ces rencontres ont vraisemblablement changé la perception que ces différents hominines avaient d’eux même et ont entrainé, au moins chez Homo sapiens, de nouvelles manières d’orner les corps.

Laboratoire CNRS impliqué

  • De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS / Ministère de la Culture / Université de Bordeaux)

Référence

Rigaud S, Rybin EP, Khatsenovich AM, Queffelec A, Paine CH, Gunchinsuren B, Talamo S, Marchenko DV, Bolorbat T, Odsuren D, Gillam JC, Izuho M, Fedorchenko AY, Odgerel D, Shelepaev R, Hublin JJ, Zwyns N. Symbolic innovation at the onset of the Upper Paleolithic in Eurasia shown by the personal ornaments from Tolbor-21 (Mongolia). Sci Rep. 2023 Jun

Contact

Solange Rigaud
De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. Bordeaux/Ministère de la Culture)
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)