Evolution de la productivité des oiseaux et effets du changement climatique

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Un collectif de 104 chercheuses et chercheurs, à l’initiative de Lucyna et Konrad Halupka de l’Université de Wroclaw en Pologne, s’est attelé à caractériser l’évolution de la taille des nichées sur les 50 dernières années, en lien avec le changement climatique. Le jeu de données final compile les informations collectées sur près de 750,000 nids au sein de 201 populations bénéficiant de suivis à long terme. Publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, cette étude révèle que les espèces de grande taille, et d’autant plus si elles sont migratrices, voient leur reproduction baisser en réponse à l’augmentation des températures. Globalement, si un déclin effectif de la taille des nichées est observé, il demeure de faible ampleur et ne peut expliquer à lui seul le déclin des populations d’oiseaux à travers le monde.

La science se pratique à plusieurs. Et le nombre concourt à la force des conclusions. Pas moins de 104 chercheuses et chercheurs ont mis en commun leurs suivis de reproduction d’un nombre égal d’espèces d’oiseaux, à travers le monde entier. Des suivis à long terme, 201 au total, d’au moins 15 ans, entre 1970 et 2019. La question principale de cette méta-analyse ? Le déclin généralisé des populations d’oiseaux observé dans le monde résulte-t-il d’un déclin du nombre de jeunes produits par femelle ? En effet, la moitié des espèces d’oiseaux à travers le monde voient leurs populations décliner. Ce déclin s’observe sur tous les continents, dans tous les habitats et n’épargne pas même les espèces parmi les plus communes. Toutefois, les mécanismes démographiques à l’origine de ce déclin restent méconnus.

La majorité des populations d’oiseaux montrent effectivement une baisse du nombre de jeunes produits par femelle (57%), mais cette baisse n’est significative que pour 17% d’entre elles, tandis que 10% des populations montrent une augmentation significative. D’autres questions émergent de ce constat. Existe-t-il des caractéristiques qui font qu’une espèce est plus susceptible de voir sa reproduction baisser ? Le changement climatique joue-t-il un rôle dans ce phénomène ? Parmi les facteurs testés, la masse corporelle, le caractère migrateur et la capacité de l’espèce à effectuer plusieurs reproductions annuellement ont effectivement une influence en interaction avec l’augmentation des températures. Les oiseaux de grande taille voient leur reproduction baisser avec l’augmentation des températures, et ce d’autant plus si elles sont migratrices. Les oiseaux de petite taille, sédentaires, et notamment ceux qui produisent plusieurs nichées chaque année, à l’inverse, voient leur reproduction s’améliorer avec l’augmentation des températures. Ces résultats sont cohérents avec ceux d’études menées sur les caractéristiques des espèces en déclin. 

graphique
Figure : Evolution temporelle du nombre moyen de poussins par femelle (ou taille de nichée) relevée sur 201 populations de 104 espèces d’oiseaux différentes à travers le monde, évaluée sur la base de séries temporelle d’au moins 15 ans collectées entre 1970 et 2019. Les valeurs négatives (en rouge) indiquent un déclin de la taille de nichée au cours du temps, les valeurs positives (en vert), une augmentation. Une majorité des populations étudiées (57%) montrent un déclin de la taille de nichée au cours du temps.

Globalement, l’ampleur du déclin de la reproduction s’avère modéré même si, bien sûr, la persistance de ce déclin sur le long terme peut conduire à des baisses significatives des effectifs. Les résultats de cette étude semblent indiquer néanmoins que d’autres mécanismes démographiques sont sans doute à l’œuvre dans le déclin des populations d’oiseaux. L’approche méta-analytique développée ici mériterait ainsi d’être conduite sur d’autres mécanismes démographiques tels que la survie adulte ou encore le recrutement (la probabilité qu’un jeune oiseau accède à la reproduction) mais ces données, plus complexes à collecter sans biais, sont encore rares.

oiseaux
Deux exemples contrastés : à gauche, le Busard cendré (un mâle en haut ©L. Duvalet et une nichée de 4 poussins en bas ©A. Millon) une espèce de grande taille, migratrice trans-saharienne n’effectuant qu’une nichée par an, et qui voit sa taille de nichée réduire avec l’augmentation des températures ; à droite, la Mésange charbonnière (une nichée de 8 poussins en haut ©Pixabay et un mâle en haut ©M. Vorel), une espèce de petite taille, sédentaire et pouvant effectuer plusieurs reproduction annuellement et dont la reproduction est positivement affectée par l’augmentation des températures.

 

Laboratoire CNRS impliqué

Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (IMBE - CNRS / AIX-MARSEILLE UNIVERSITE / AVIGNON UNIVERSITE / IRD)

Référence de la publication

Halupka L., Arlt D., Tolvanen J., Millon A., Bize P., [98 autres], & Halupka K. 2023. The effect of climate change on avian offspring production: a global meta-analysis. Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA. https://doi.org/10.1073/pnas.2208389120

Contact

Alexandre Millon
Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie marine et continentale (IMBE - CNRS / AIX-MARSEILLE UNIVERSITE / AVIGNON UNIVERSITE / IRD)