Vicissitudes d’une femme « privilégiée » dans l’Italie du Moyen Age : biologie et biochimie de l’enfance à la mort
Retracer l'histoire de la vie d'une femme dans l'Italie du Moyen-Age. C'est l'objet de cette étude qui s'appuie sur de nouvelles techniques de hautes résolutions et l'analyse d'échantillons dentaires. Ce travail a été réalisé par deux équipes de l’Université Sapienza à Rome et du Lampea à Aix en Provence, les résultats ont été publiés dans la revue international journal of osteoarchaeology.
Des analyses multi-isotopiques (carbone, azote, soufre) ont été réalisées pour la première fois sur un ensemble séquentiel, à haute résolution, de la dentine primaire et secondaire d’un sujet archéologique, permettant de retracer différents éléments de son histoire de vie (alimentation, mobilité) entre ses 6 mois de naissance et sa mort vers 50 ans. Le sujet féminin CT1953 provient d’un site lombard, Castel Trosino, du centre de l’Italie (commune de Ascoli Piceno, région des Marches), daté entre le VIe et le VIIIe siècle de notre ère. Son état de santé très particulier a interpellé les bioanthropologues, notamment en raison des différentes traces laissées sur le crâne qui témoigneraient d’une « prise en charge médicale ». Quelques indices archéologiques suggèrent un statut privilégié de cette femme et l’étude biologique a renforcé cette hypothèse en montrant l’attention que la communauté a pu avoir envers l’individu à certains moments de sa vie. La nouvelle approche méthodologique proposée dans ce travail a permis d’obtenir des profils isotopiques sur une très une longue séquence de vie. Les résultats soulignent plusieurs faits marquants :
- une période de sevrage probablement allongée jusqu’à environ quatre ans,
- une période de sevrage/post-sevrage montrant une mobilité, qui corrobore les documents historiques sur l’accueil des enfants socialement élevés à l’extérieur de la famille nucléaire,
- une modification alimentaire avec la consommation de plantes entre environ cinq et six ans, qui pourrait être en lien avec cette mobilité,
- une période de « stabilité » avec une alimentation basée sur les ressources terrestres et peu de mobilité à partir d’environ sept ans, jusqu’à son décès,
- mais de possibles modifications ponctuelles de son alimentation/de sa physiologie qui pourraient être en relation, au cours de son âge adulte, avec son état de santé déclinant.
Cette approche exploratoire ouvre une nouvelle voie de recherche en anthropologie biologique. De nombreuses améliorations, notamment sur la chronologie de l’échantillonnage de la dentine secondaire, sont prévues pour mieux temporaliser les événements. Toutefois, l’approche multidisciplinaire offre une fenêtre de lecture sur le statut social et le soin, que l’on soit homme ou femme, perçus à cette époque.
Laboratoire CNRS impliqué
- Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe-Afrique (LAMPEA - CNRS / Aix-Marseille Université / Ministère de la Culture)
Référence
Sara Bernardini, Carlotta Zeppilli, Ileana Micarelli, Gwenaëlle Goude, Kerry L. Sayle, Giorgio Manzi, Mary Anne Tafuri. In press. Multi-isotope analysis of primary and secondary dentin as a mean to broaden intra-life dietary reconstruction. A case from Longobard Italy. Int J Osteoarchaeol. 2023
Financement des analyses et programme de recherche impliqué
Ce travail a été financé par le programme de recherche "Population biology, diseases and mobility: Romans and Longobards in the post-classical era”, de l’Université Sapienza Rome, Italie (2018-2020)