La captivité influence la croissance osseuse des mammifères dès le plus jeune âge
Combien de temps est-il nécessaire pour que la mise en captivité d’un mammifère sauvage influence le développement des os de ses membres et de son crâne ? Pour répondre à cette question, une équipe pluridisciplinaire constituée de chercheurs des laboratoires Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements (AASPE – CNRS / MNHN), Mécanismes Adaptatifs et Évolution (MECADEV - CNRS/MNHN) et de l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/UPMC/EPHE/UA) ont étudié pendant près de 20 mois la croissance des structures osseuses dans un groupe de sangliers en captivité. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Experimental Zoology Part B: Molecular and Developmental Evolution.
A partir de quel âge la captivité laisse-t-elle une empreinte sur la morphologie osseuse des mammifères ? Cette question est essentielle pour les archéozoologues qui tentent, à partir des restes osseux, de déterminer les premières traces de la domestication animale dont la mise en captivité est une des étapes initiales.
Pour y répondre des scientifiques du laboratoire Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements (AASPE – CNRS / MNHN) ont réalisé une expérimentation unique sur le sanglier à la Réserve Zoologique de la Haute Touche, en collaboration avec les laboratoires Mécanismes Adaptatifs et Évolution (MECADEV - CNRS/MNHN) et l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/UPMC/EPHE/UA). Pour cette expérimentation, des marcassins ont été capturés en forêt à l’âge de 6 mois pour être ensuite élevés en captivité jusqu’à l’âge de 2 ans. Ces animaux ont été scannées tous les deux mois à l’aide d’un CT-scan à rayons X permettant un accès non-invasif à la morphologie des trois structures osseuses étudiées : le crâne, la mandibule (la mâchoire inférieure) et le calcanéum (un des os du pied). La croissance de ces structures chez les sangliers en captivité a été comparée à celle de populations en liberté issues de forêts françaises.
A l’aide de méthodes de morphométrie géométrique en trois dimensions appliquées aux représentations digitales des structures osseuses étudiées, les chercheurs ont pu apporter la preuve d'une influence de la captivité sur la morphologie des structures osseuses dès l’âge de 6 mois (Figure 1). Pour le crâne et la mandibule, les sangliers captifs sont plus grands que ceux issus des populations en liberté. Cette différence est principalement expliquée par la présence d’une nourriture plus abondante fournie par les humains aux animaux en captivité. Pour le calcanéum, les différences entre animaux captifs et sauvages ne sont pas liées à la taille mais à la forme de l’os. La réduction de mobilité, associée à la captivité, semble être le facteur majeur de la modification de cet os du pied dont la forme est fortement influencée par le comportement locomoteur.
Les résultats de cette étude publiée dans Journal of Experimental Zoology Part B: Molecular and Developmental Evolution démontrent qu’un changement de mode de vie induit par la captivité entraine des changements quantifiables de la structure du squelette dès le plus jeune âge. Ces résultats renouvellent les approches archéozoologiques puisqu'ils impliquent que l'influence de la captivité peut être observée morphologiquement dans le registre archéologique chez les spécimens juvéniles, de la même manière que chez les adultes.
Laboratoires CNRS impliqués
- Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, Pratiques et Environnements (AASPE – CNRS / MNHN)
- Mécanismes Adaptatifs et Évolution (MECADEV - CNRS/MNHN)
- Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB - CNRS/MNHN/UPMC/EPHE/UA)
Référence
Neaux D, Harbers H, Blanc B, Ortiz K, Locatelli Y, Herrel A, Debat V, Cucchi T. The effect of captivity on craniomandibular and calcaneal ontogenetic trajectories in wild boar. J Exp Zool B Mol Dev Evol. 2022.