Plus de la moitié des lézards et serpents des îles de Guadeloupe ont disparu après la colonisation européenne de l’archipel
Une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances utilise des données fossiles pour étudier l’évolution de la biodiversité passée des reptiles de l’archipel de Guadeloupe. Les résultats montrent la grande stabilité de cette biodiversité avant la colonisation européenne de l’archipel au XVIIe siècle, colonisation qui va entraîner la disparition d’entre 50 et 70 % des reptiles natifs en lien avec les pratiques agricoles et l’introduction de nouveaux animaux prédateurs (mangouste, chat). Des scientifiques ayant contribué à cette étude sont notamment issus des laboratoires De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA – CNRS / Univ. Bordeaux / Ministère de la Culture), Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN), de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB – CNRS / Sorbonne Université / MNHN / EPHE) et de l’Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Univ. Montpellier / IRD).
L’étude de l’impact des activités humaines sur l’environnement à récemment abouti à la définition d’une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène, dans laquelle les populations humaines sont les acteurs majeurs des changements climatiques et environnementaux. L’une des manifestations de ces phénomènes est l’érosion de la biodiversité animale que notre planète subit actuellement. Cette crise d’extinction est un phénomène qui a pu débuter il y a plusieurs centaines voire milliers d’années, possiblement dès l’émergence des sociétés pratiquant l’agriculture. Les connaissances scientifiques concernant l’évolution de la biodiversité terrestre dans le temps demeurent cependant très limitées, car les études sont rares et se concentrent généralement sur les grands animaux vertébrés et les mammifères. D’autre part, les aires tropicales qui abritent pourtant la plus grande partie de la biodiversité de notre planète sont celles qui sont actuellement les moins étudiées.
Une nouvelle étude prend le contre-pied de ces tendances en documentant l’évolution de la biodiversité des reptiles de l’archipel de Guadeloupe en lien avec les colonisations successives de ces îles par les populations humaines amérindiennes puis européennes. Ce travail, auquel ont participé notamment des scientifiques issus des laboratoires De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA – CNRS / Univ. Bordeaux / Ministère de la Culture), Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE – CNRS / MNHN), de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (ISYEB – CNRS / Sorbonne Université / MNHN / EPHE) et de l’Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (ISEM – CNRS / Univ. Montpellier / IRD), prend en compte 43 000 ossements de reptiles découverts dans les sites archéologiques et paléontologiques de l’archipel de Guadeloupe et démontre qu’entre 50 et 70 % des lézards et serpents des îles de Guadeloupe se sont éteints depuis le XVIIe siècle.
Cette énorme perte de biodiversité à partir de la période coloniale met en avant la grande stabilité de la biodiversité des reptiles pendant les périodes précédentes, malgré les changements climatiques et les colonisations par les populations amérindiennes qui n’ont eu que peu d’impact sur la faune native de Guadeloupe. Les résultats obtenus permettent d’établir également de nouveaux liens : un entre la taille des reptiles, leurs modes de vie et leurs chances de s’éteindre, et un entre l’extinction des reptiles, les pratiques agricoles post-coloniales et le rôle des prédateurs introduits aux périodes coloniales comme le chat et la mangouste indienne.
Cette nouvelle publication confirme que la non-considération des données fossiles conduit vraisemblablement à une sous-estimation significative des effets de l’impact humain sur la biodiversité à l’échelle globale. Ce travail montre également que la conception des stratégies de conservation de la biodiversité est susceptible de s’appuyer sur des données fournies par les études portant sur la biodiversité ancienne, des approches qui demeurent très peu développées dans le monde tropical dont la biodiversité est actuellement la plus fortement menacée d’extinction.
références
Bochaton C., E. Paradis, S.Bailon, S.Grouard, I. Ineich, A. Lenoble, O. Lorvelec, A. Tresset et N. Boivin, 2021. Large-scale reptile extinctions following European colonization of the Guadeloupe Islands. Science Advances.
Les objectifs de développement durable
- ODD 15 - Vie terrestre
Ce travail permet de mieux comprendre les mécanismes d’extinction des reptiles en lien avec l’impact des sociétés humaines sur les milieux naturels et donc d’améliorer les politiques de conservation de la biodiversité terrestre.