Le plus ancien sorgho de l’Arabie orientale
Le sorgho est actuellement la cinquième céréale la plus cultivée au monde. Les trajectoires et les modalités de diffusion de cette céréale tropicale, domestiquée en Afrique sub-saharienne dans le courant du 4ème millénaire av. notre ère, restent encore mal connues. Une analyse archéobotanique menée sur le fort sassanide et islamique ancien de Fulayj (Oman, 5ème-8ème siècle de notre ère), réalisée sur la plate-forme archéobotanique du laboratoire Archéozoologie, Archéobotanique : Sociétés, pratiques et environnements (AASPE - MNHN/CNRS) et publiée dans la revue Journal of Arid Environments, révèle la plus ancienne attestation de sorgho dans la région identifiée de manière certaine et datée directement par le radiocarbone. L’étude suggère une culture locale de cette céréale, intégrée aux systèmes d’acquisition des produits agricoles et combustibles.
Peu d’analyses archéobotaniques concernent les périodes sassanide et islamique en Arabie orientale alors que de nombreux débats à propos de l’occupation du territoire ou du contrôle des flux commerciaux subsistent pour ces périodes. Des fouilles archéologiques sur le fort sassanide et islamique ancien de Fulayj (Oman, 5ème-8ème siècle de notre ère) ont donné l’opportunité d’obtenir de nouvelles données sur les productions agricoles et la collecte du combustible. De plus, elles ont permis de mettre en évidence la présence de sorgho, une céréale tropicale originaire d’Afrique sub-saharienne, qui a longtemps été considérée comme ayant été introduite en Arabie orientale dès l’âge du Bronze (Hili 8, E.A.U., 3ème millénaire av. notre ère) avant que ces identifications ne soient remises en question. L’identification des grains de sorgho de Fulayj a été effectuée à l’aune de nouveaux critères de détermination et ils ont été datés, directement et indirectement, par le radiocarbone. Par conséquent, il s’agit de la plus ancienne attestation archéobotanique de sorgho de l’Arabie orientale, identifiée et datée de manière certaine.
La question de son origine mérite d’être soulevée : s’agit-il d’une importation commerciale ou une culture locale est-elle à considérer ? L’Afrique orientale, le sous-continent Indien ou le Yémen représentent des candidats pertinents de provenance car le sorgho y était cultivé, pour certains depuis longtemps, au moment de l’occupation du site. Néanmoins, des empreintes en terre de grains de sorgho ont été trouvées : elles suggèrent une utilisation de sous-produits (paille, balle…) de la céréale comme dégraissant pour la terre à bâtir au sein de laquelle des grains auraient été incorporés accidentellement. De tels indices permettent de proposer une introduction agricole de cette céréale. En outre, des mentions textuelles indiquent que le sorgho était cultivé dès le début de la période islamique dans la région. C’est pourquoi le sorgho semble bien avoir été acclimaté en Oman dès cette période à la faveur d’échanges à longue distance.
Les résultats archéobotaniques montrent que le sorgho a pu être intégré aux systèmes agricoles oasiens de la région, composés de palmier-dattiers, de céréales et de légumineuses. Ces espaces oasiens ont pu être entretenus à proximité du site à l’instar des palmeraies actuelles, ou dans la zone côtière de la Batinah, à environ 15 km. Ce secteur présente en effet des avantages édaphiques et hydrologiques qui pourraient avoir conduit à choisir ce secteur pour l’approvisionnement en produits agricoles. Ainsi, la découverte de sorgho permet de mieux comprendre l’histoire de la diffusion de cette céréale tropicale au Moyen-Orient et dans l’océan Indien.
Référence
Vladimir Dabrowski, Charlène Bouchaud, Margareta Tengberg, Antoine Zazzo, Seth Priestman. Archaeobotanical analysis of food and fuel procurement from Fulayj fort (Oman, 5th-8th c. CE) including the earliest secure evidence for sorghum in Eastern Arabia. Journal of Arid Environments, Volume 190, 2021