Première cartographie de la biodiversité océanique des micro-organismes il y a 500 millions d'années
Situés à la base des chaînes alimentaires de l'océan, les micro-organismes végétaux (phytoplancton) jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des écosystèmes marins. Une chercheuse et des chercheurs1 des universités de Lille, de Poitiers, de Bourgogne Franche-Comté et du CNRS - dont certains issus du laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO – CNRS / Univ. Lille), du Laboratoire Paléontologie Evolution Paléoécosystèmes Paléoprimatologie (PALEVOPRIM – CNRS / Univ Poitiers), du laboratoire BIOGEOSCIENCES (BGS – CNRS – COMUE UBFC) et du Laboratoire d'océanologie et de géosciences (LOG – CNRS / Univ. Littoral Côte d’Opale / Univ. Lille) - montrent que les plus anciens représentants du phytoplancton présentaient un maximum de diversité aux moyennes latitudes de l’hémisphère Sud au Paléozoïque inférieur (541 à 444 millions d’années avant l’actuel), une distribution spatiale différente de celles observées de nos jours. Ces résultats sont publiés dans la revue Science Advances.
- 1Laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (CNRS, Université de Lille), Laboratoire PALEVOPRIM, (CNRS, Université de Poitiers), Department of Earth and Planetary Sciences (University of California, Riverside, CA, USA), Laboratoire Biogéosciences (CNRS, Université Bourgogne Franche-Comté), Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (CNRS, Université de Lille).
A très large échelle géographique (régionale à mondiale), la biodiversité présente des motifs d’organisation spatiale fondamentaux se retrouvant en milieux terrestres comme océaniques et chez la plupart des organismes, depuis les bactéries jusqu’aux grands mammifères. Parmi ces motifs dits « biogéographiques », le gradient latitudinal de diversité (GLD), qui correspond à l’augmentation du nombre d’espèces des pôles vers l’équateur, est considéré comme le plus largement répandu sur Terre. Ce GLD est documenté chez un grand nombre d’espèces actuelles mais son origine, sa prépondérance dans le registre fossile ainsi que ses mécanismes explicatifs restent largement débattus.
En associant l’étude de données fossiles et la modélisation des climats anciens, une équipe de chercheuse/eurs - dont certains issus du laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (EVO-ECO-PALEO – CNRS / Univ. Lille), du Laboratoire Paléontologie Evolution Paléoécosystèmes Paléoprimatologie (PALEVOPRIM – CNRS / Univ Poitiers), du laboratoire BIOGEOSCIENCES (BGS – CNRS – COMUE UBFC) et du Laboratoire d'océanologie et de géosciences (LOG – CNRS / Univ. Littoral Côte d’Opale / Univ. Lille) - a montré que les premiers représentants du phytoplancton ‒ les acritarches (Fig. 1) ‒ présentaient un gradient latitudinal de diversité dès l'apparition des principaux embranchements d’animaux actuels au Paléozoïque inférieur, il y a plus de 500 millions d’années (Fig. 2). L‘équipe a aussi mis en évidence dans ces travaux parus dans Science Advances d’importantes variations de ce GLD au cours du temps, notamment en réponse aux variations climatiques. Tandis que la première période (le Cambrien, -541 à -485.4 Ma) est caractérisée par un climat chaud avec des températures équatoriales trop élevées pour permettre à la vie de pleinement se diversifier, le refroidissement global observé à partir de la seconde période (l’Ordovicien, -485.4 à -443.8 Ma) s'accompagne d'une augmentation spectaculaire de la diversité marine et d'une colonisation de la zone équatoriale (Fig. 2). Le GLD devient alors plus marqué et le pic maximum de diversité se rapproche de l'équateur (Fig. 2).
Mais ce gradient montre également une différence fondamentale avec ceux que l’on connaît aujourd’hui : il ne présente qu’un seul pic de diversité (on parle alors de gradient unimodal) situé aux moyennes latitudes de l'hémisphère Sud, là où le maximum de diversité chez les espèces actuelles est classiquement situé à l’équateur ou se subdivise en deux pics centrés sur les basses/moyennes latitudes de chaque hémisphère (gradient bimodal). L’utilisation d’un modèle de distribution spatiale de la biodiversité (METAL2
) établi avec la paléogéographie (Fig. 3) et le paléoclimat connus au Paléozoïque inférieur prédit pourtant un second pic dans l’hémisphère Nord. Ce modèle suggère que le GLD des acritarches observé grâce aux données fossiles correspondrait en fait à un gradient bimodal tronqué, dont le pic initialement situé dans l’hémisphère Nord ne peut plus être observé aujourd'hui. Cette absence de second pic dans cet hémisphère pourrait résulter d'une faible préservation des sédiments, et donc des fossiles qu’ils contiennent, dans cette zone alors essentiellement occupée par un immense océan appelé Panthalassa (Fig. 3). Mais le modèle METAL n’intègre pas certains paramètres indispensables à la survie du phytoplancton, comme par exemple la concentration en nutriments, liée à la proximité des continents. La faible diversité des acritarches observée dans l’hémisphère Nord pourrait donc également correspondre à un réel signal biologique reflétant une quantité limitée d’espace propice au développement du phytoplancton dans cette zone géographique alors quasi exempte de continents (Fig. 3).
- 2Pour Macro Ecological Theory on the Arrangement of Life. Voir le livre Beaugrand, G. Marine biodiversity, climatic variability and global change, (Routledge, 2015)
Références
Truncated bimodal latitudinal diversity gradient in early Paleozoic phytoplankton. Zacaï, A., Monnet, C., Pohl, A., Beaugrand, G., Mullins, G., Kroeck, D., Servais, T. Science Advances (2021)