Quand un volcan déclenche des épidémies de choléra
Le choléra est endémique du Rift africain, et le bord du lac Kiwu constitue un point chaud de départ des épidémies. Une équipe de recherche internationale, dont plusieurs scientifiques du laboratoire Chrono-environnement, a démontré que l'activité volcano-tectonique du volcan Nyiragongo, situé en bordure du lac Kivu, influence les caractéristiques physico-chimiques du lac et de ce fait, influence la prolifération du bacille dans l’eau et les poissons. Ces derniers sont ensuite consommés par les populations riveraines, qui s’exposent ainsi à une potentielle contamination. Les risques d'épidémie sont donc directement liés à l’activité du volcan. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue PLOS neglected tropical diseases en août 2020.
Le choléra (Vibrio cholerae) est apparu le long du lac Kivu dans le rift africain dans les années 1970. Depuis cette date, il est endémique du Rift, malgré l'absence de masse d'eau marine, dans lequel il prolifère habituellement. La province du Katana, située en bordure du lac Kivu, et le point chaud le plus important du rift, à partir duquel démarrent toutes les épidémies touchant cette région.
Une équipe de recherche internationale, dont plusieurs scientifiques du laboratoire Chrono-environnement (CNRS / Université de Franche-Comté) a formulé l'hypothèse que la présence endémique de Vibrio choléra dans ce secteur imposait l'existence d'une niche écologique favorable à la survie du bacille. Ils ont alors vérifié l’idée selon laquelle l'activité volcano-tectonique des volcans bordant le lac Kivu pourrait, en contrôlant la salinité et la température des eaux de surface et des eaux souterraines, régir les caractéristiques de l'eau du lac et favoriser la prolifération du bacille.
L'activité volcanique (évaluée chaque semaine par le flux de SO2 du panache du volcan Nyiragongo sur la période 2007-2012) est fortement corrélée positivement avec la conductivité, la salinité et la température de l'eau du lac Kivu. Sur la période 2007-2012, ces trois paramètres ont été fortement corrélés positivement avec la dynamique temporelle des cas de choléra dans la zone sanitaire de Katana bordant le lac. Les variables météorologiques (température de l'air et précipitations) et les autres caractéristiques de l'eau (à savoir le pH et la concentration d'oxygène dissous dans l'eau du lac) n'étaient pas liées à la dynamique du choléra sur la même période. Sur la période 2016-2018, les chercheuses et chercheurs ont échantillonné chaque semaine la salinité et la conductivité de l'eau du lac, et deux fois par mois la présence de vibrions dans l'eau du lac et dans les poissons. L'abondance de V. cholerae dans le lac a été positivement corrélée à la salinité et à la température du lac, ainsi qu'au nombre de cas de choléra dans la population de la zone sanitaire de Katana. L'abondance de V. cholerae dans les poissons a été positivement corrélée avec l'abondance de V. cholerae dans l'eau du lac, ce qui suggère que leur consommation contamine directement les humains. L'activité du volcan, en contrôlant les caractéristiques physico-chimiques du lac Kivu, est donc un déterminant majeur de la présence du bacille dans le lac. Les flux de SO2 dans le panache du volcan peuvent être utilisés comme un outil pour prévoir les risques d'épidémie.
Les objectifs de développement durable
- ODD 3 : Bonne santé et bien être
- ODD 10 : Inégalités réduites
Références
Doudou Batumbo Boloweti, Patrick Giraudoux, Catherine Deniel, Emmanuel Garnier, Frederic Mauny, Celestin Mahinda Kasereka, Roger Kizungu, Jean Jacques Muyembe, Didier Bompangue, Gudrun Bornette. Volcanic activity controls cholera outbreaks in the East African Rift, PLOS Neglected tropical diseases, Août 2020.