Après une catastrophe, un peu de sexe vaut mieux que rien ! Étude des conséquences d’un séisme majeur sur la dynamique de récupération des populations sexuées et asexuées
Après un cataclysme, le sexe peut momentanément paraitre comme une perte de temps et d’énergie. Pourtant, une étude parue dans Evolutionary Applications, réalisée par des chercheurs de l’Unité Mixte Internationale franco-chilienne de la station Biologique de Roscoff (UMI 3614, CNRS, Sorbonne Université, Université Australe du Chili), de l’ UMR 1349 (INRA, Le Rheu) et du département d’écologie (Université catholique de Conception, UCSC, Chili), montre que la reproduction sexuée peut s’avérer indispensable à plus long terme pour une meilleure résilience des populations.
De par leur nature imprévisible, il est rare d’avoir l’opportunité de comparer les changements génétiques et la résilience de populations sexuées et asexuées avant et après de grandes catastrophes naturelles telles que les tsunamis et les séismes. En utilisant comme modèle d’étude, les populations sauvages et cultivées de l’algue rouge Agarophyton chilense, ces chercheurs ont étudié les conséquences du séisme du 27 Février 2010, de magnitude 8.8 sur l’échelle de Richter dans la région de Concepción au Chili. La diversité génétique des populations d’individus sauvages issus de la reproduction sexuée et des populations d’individus cultivés issus de bouturage a été suivie pendant une décennie dans deux régions : Concepción proche de l’épicentre et Puerto Montt située à 600 km au sud. Les analyses ont ainsi été menées sur trois périodes : avant le tremblement de terre et le tsunami de février 2010, les jours qui ont suivi et deux ans après. Alors qu’aucun changement n’est observé dans la région de Puerto Montt, ces travaux révèlent, dans la région de Concepción, de fortes perturbations de la structure génétique suite à la catastrophe. Dans le mois qui a suivi, une perte de diversité génétique des populations sauvages (purement sexuées) est constatée par rapport aux fermes cultivées. En revanche, deux ans après, les niveaux de diversité des populations sauvages étaient revenus identiques à ceux observés avant la catastrophe. Cette résilience des populations sauvages s’explique par le brassage des génotypes locaux survivants avec des immigrants provenant des populations sexuées éloignées.
Chez les populations cultivées, le maintien de la diversité génétique juste après la catastrophe illustre qu’un mode de reproduction clonal, confèrent aux populations des fermes une capacité surprenante à amortir la perte instantanée de diversité. Cependant, deux ans après, la moitié des populations cultivées avait disparu et dans les survivantes, la diversité génétique était fortement réduite suite au bouturage intensif des clones rescapés par les cultivateurs.
Les devenirs contrastés des populations sexuées et clonales dans la région proche de l’épicentre, suggèrent que parier sur un mode de reproduction strictement clonal pour maintenir la production des cultures d’algues est risqué à long terme malgré d’apparents bénéfices instantanés. En réduisant la diversité génétique à quelques génotypes, cette stratégie extrême diminue probablement les possibilités de résilience des algues cultivées aux perturbations environnementales brutales induites par des catastrophes naturelles.
Référence
Becheler R., Guillemin M-L., Stoeckel S., Mauger S., Saunier A., Brante A. , Destombe C.& Valero M. (2020). After a catastrophe, a little bit of sex is better than nothing: Genetic consequences of a major earthquake on asexual and sexual populations. Evolutionary Applications.
Objectifs du développement durable auxquels cette étude contribue
- Objectif 2 - Faim " zéro " : gestion des populations d’algues cultivées avec l'émergence des biotechnologies favorisant la multiplication des variétés par clonage
- Objectif 10 - Inégalités réduites : les algues sont cultivées par des populations humaines défavorisées, nos recommandations permettraient de les prémunir de l'effet néfaste des catastrophes environnementales (prédites en croissance par les modèles climatiques) et ainsi favoriser leurs résiliences face à l’inconstance des environnements perturbés
- Objectif 15 - Vie terrestre : sauver et gérer la biodiversité des espèces nécessaires à la bonne santé des écosystèmes, des populations, des activités et sociétés humaines lors de grands bouleversements environnementaux