Réchauffement climatique : une modification du régime alimentaire aux conséquences néfastes pour la survie et la flore microbienne ?
Le changement climatique menace le fonctionnement des communautés d’espèces en modifiant la persistance de chaque espèce et également les différentes interactions entre elles. La modification de ces interactions est importante à comprendre pour appréhender la réponse au changement climatique d’une communauté dans son ensemble. Cela est particulièrement vrai pour des espèces à fortes interactions, telles que les proies et les prédateurs ou les hôtes et leur flore microbienne. Une équipe de chercheurs du Laboratoire Évolution et Diversité Biologique de Toulouse (EDB – CNRS / Université Toulouse III-Paul Sabatier /ENFA) et de la station d’Ecologie Théorique et Expérimentale du CNRS (SETE - CNRS / Université Toulouse III-Paul Sabatier) a ainsi montré que quelques degrés de plus modifierait le régime alimentaire d’un petit reptile, rendant son alimentation moins diversifiée, et que cette modification allait de pair avec une baisse de leur survie et une altération de leur flore intestinale. Cette nouvelle étude à paraître dans la revue Proceedings of the Royal Society B démontre l’urgence de mieux comprendre l’impact du climat sur les relations entre espèces afin de les protéger plus efficacement.
Une espèce interagit avec un réseau complexe d’espèces au sein d’une communauté et ces interactions, en particulier les interactions proies-prédateurs, jouent un rôle fondamental pour ces espèces, de la physiologie des individus à la stabilité des populations. Le changement climatique peut modifier ces interactions par des altérations soit du régime alimentaire des consommateurs soit de la composition en espèces des communautés. Cette modification des interactions peut se répercuter sur la survie des différentes espèces interagissant. Dans une récente étude, des chercheurs de l’Université de Toulouse 3 et du CNRS ont quantifié l’impact d’un climat plus chaud sur le régime alimentaire d’un reptile, le lézard vivipare (Zootoca vivipara), et les conséquences pour leur survie et leur flore intestinale, un élément clef de la viabilité et de l’adaptation des hôtes.
Les chercheurs ont soumis des populations de lézard vivipare à différents climats : un climat actuel et un climat plus chaud de 2°C, correspondant aux prédictions climatiques optimistes pour la fin du siècle. Pour cela, ils ont utilisé le Métatron (Service proposé dans le cadre de l’Infrastructure ANAEE-France), un système d'enclos recréant des milieux naturels avec contrôle de la température, de l’hygrométrie et du rayonnement solaire. Chaque enclos de 100 m² simule un mini-écosystème avec des communautés végétales et animales naturelles et diversifiées. Après avoir passé 3 mois dans ces conditions climatiques, le régime alimentaire des lézards a été estimé grâce aux isotopes stables et à un suivi des communautés d’invertébrés. La survie, la condition corporelle et la diversité des communautés bactériennes présentes dans leur flore intestinale ont également été quantifiées.
Ces travaux ont mis en évidence que les lézards vivant dans un climat plus chaud ont modifié leur régime alimentaire en réduisant le panel de proies consommées et en consommant plus d’invertébrés prédateurs (ex : araignées) que d’invertébrés phytophages (ex : grillons). Ces changements de régime alimentaire s’accompagnent d’une survie et d’une diversité bactérienne plus faible en climat chaud. Ces résultats démontrent une modification des interactions proies-prédateurs avec de potentielles conséquences sur la viabilité des populations et l’évolution de cette espèce prédatrice, les communautés d’espèces en interaction et les dynamiques éco-évolutives.
Référence
"Altered trophic interactions in warming climates: consequences for predator diet breadth and fitness", Elvire Bestion, Andrea Soriano-Redondo, Julien Cucherousset, Staffan Jacob, Joël White, Lucie Zinger, Lisa Fourtune, Lucie Di Gesu, Aimeric Teyssier and Julien Cote, Proceedings of the Royal Society B, 2019