La diversification des tétrapodes était plus élevée durant les réchauffements climatiques passés
Quel a été l’impact des réchauffements et refroidissements climatiques passés ? Une étude publiée dans la revue Ecology Letters impliquant des chercheurs de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM – CNRS/EPHE/IRD/Université de Montpellier) et de l’Institut de Biologie de l'Ecole Normale Supérieure (IBENS – CNRS/ENS) montre que la diversification d'une proportion substantielle de familles de tétrapodes s'explique mieux par des modèles prenant en compte les changements passés des températures mondiales.
L’évolution d’un groupe d’organismes est régie par un équilibre entre taux de spéciation (formation d’espèces) et taux d’extinction (disparition d’espèce). La différence de ces taux s’appelle le taux de diversification, et détermine la dynamique des changements de diversité au cours du temps. Depuis une décennie, des modèles permettent d’estimer ces taux à partir d’arbres phylogénétiques retraçant les relations de parenté entre les espèces actuelles.
Appliquant ces modèles aux phylogénies, un paradigme majeur a émergé : les taux de diversification décroissent au cours du temps, si bien que les taux de diversification sont élevés à l’origine d’un groupe, et ralentissent au fur et à mesure que le groupe se diversifie. Les groupes se diversifient plus lentement aujourd’hui.
Cependant les facteurs à l'origine de ces variations demeurent flous. Les déclins temporels des taux de diversification ont souvent été interprétés comme l'effet de limites écologiques imposés par les ressources du milieu, de la compétition entre espèces, ou de la dépendance à la diversité d’un autre groupe, ce qui met en avant le rôle des facteurs biotiques.
Hors, les facteurs abiotiques, tels que les variations climatiques passées, ont probablement affectés les taux de diversification sur des échelles de temps géologiques, mais des analyses incluant ces effets présumés se sont principalement limités à quelques clades bien représentés dans le registre fossile. Si les taux de diversification ont corrélé positivement avec les températures alors les périodes climatiques plus chaudes ont soutenu une spéciation plus rapide. Ainsi, cela pourrait expliquer les ralentissements de la spéciation avec le refroidissement du climat durant le Cénozoïque.
Dans cette étude, les auteurs ont appliqué des modèles phylogénétiques de diversification de pointe dans lesquels les taux de diversification dépendent soit de la diversité soit des variations de température passées, ou bien ne dépendent pas de ces facteurs.
Appliqués à 218 phylogénies de familles de tétrapodes (amphibiens, crocodiles, mammifères, oiseaux, squamates, et tortues), nous montrons pour la première fois que les ralentissements de la diversification sont autant dus au changement climatique passé qu’aux limites écologiques imposées sur la diversité du groupe. Pour une grande proportion des familles étudiées, nous trouvons que leur diversification est positivement corrélée à la température, ce qui suggère que des phases importantes de diversification se sont déroulées lors des périodes climatiques chaudes.
Cependant les auteurs alertent que les changements environnementaux actuels d'origine humaine sont différents des changements environnementaux qui se sont produits dans le passé et pourraient donc avoir des conséquences différentes sur la diversification. En particulier, il pourrait y avoir un effet du taux de variation de la température en même temps que la température elle-même, et ce taux est plus rapide aujourd'hui que dans le passé.
Quoiqu’il en soit, ces résultats mettent l'accent sur la température en tant que facteur majeur de la dynamique de diversification et offrent une hypothèse alternative à celle souvent invoquée des radiations adaptatives pour expliquer les ralentissements de la diversification. Ces résultats appellent à une meilleure intégration de ces deux processus dans les études des dynamiques de diversification.
Référence
Condamine F.L., Rolland J. & Morlon H. (2019) Assessing the causes of diversification slowdowns: temperature-dependent and diversity-dependent models receive equivalent support. Ecology Letters, doi.org/10.1111/ele.13382