Un fossile vieux de 530 millions d'années nous éclaire sur l'origine des échinodermes

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité
Les échinodermes, parmi lesquels on compte les oursins, étoiles de mers, concombres de mers, ophiures et lys de mer sont probablement l'un des groupes les plus emblématiques du domaine océanique. Caractérisés aujourd’hui par leur symétrie radiale d’ordre 5, leur évolution s’enracine pourtant dans un groupe à la symétrie bilatérale : les deutérostomiens, auxquels appartient aussi l’Homme. Comment et quand cette évolution a-t-elle eu lieu ? Un fossile de plus de 500 millions d’années, décrit dans la revue Nature Communications par un consortium scientifique (du Muséum d’Histoire Naturelle de Stockholm (Suède), de l’Université de Xi’an (Chine) et de l’UMR Evolution, Ecologie et Paléontologie - UMR8198, CNRS/Université de Lille) offre des éléments de réponse à cette énigme.

Peu d'animaux marins sont aussi facilement identifiables que les représentants actuels des échinodermes qui, avec plus de 7 000 espèces, colonisent aujourd’hui quasiment tous les environnements marins, depuis les milieux côtiers tropicaux jusqu’aux eaux froides de l’Antarctique et aux plaines abyssales. Les oursins, les étoiles de mers, les concombres de mers, les ophiures, et les lys de mer sont caractérisés par une symétrie pentaradiaire, et par un squelette constitué de nombreuses plaques de calcite à la microstructure très poreuse. Bien que les données moléculaires montrent que les échinodermes appartiennent à la même branche du règne animal que l’Homme, les deutérostomiens, leur morphologie caractéristique, notamment leur symétrie, en ont toujours fait un groupe à part. Mais les échinodermes n'ont pas toujours possédé ces caractères et leur histoire primitive reste très controversée. Comment et quand leur symétrie pentaradiée, qui correspond aux cinq bras des étoiles de mer, a-t-elle évolué à partir de la symétrie bilatérale typique des deutérostomiens ? La découverte récente d’un fossile de 530 millions d’années permet de mieux cerner l’origine et l’évolution de ce groupe fascinant.

Découverte dans les roches de la Chine septentrionale, l’espèce Yanjiahella biscarpa précède les autres fossiles connus d’échinodermes d’environ 10 millions d’années, et à ce titre fait partie des plus anciens fossiles de deutérostomiens connus. Y. biscarpa possède une thèque couverte de plaques, comme les autres échinodermes, fossiles et actuels, mais se distingue par la présence de deux appendices nourriciers souples et d’une tige musculaire, caractéristique du groupe frère des échinodermes, les hémichordés. Plus intéressant encore, Y. biscarpa montre une symétrie bilatérale, différenciant d’une part cette espèce de tous les échinodermes connus actuellement, dont la larve bilatérale subit une métamorphose conduisant à la symétrie radiale caractéristique du groupe, mais la rapprochant d’autre part des hémichordés et autres deutérostomiens « typiques ». Ces petits animaux de quelques centimètres de long auraient vécu sur les fonds marins, avec leur tige ancrée dans les sédiments, se nourrissant des nutriments en suspension dans la colonne d’eau grâce à deux longs appendices nourriciers.

Reconstitution de Y. biscarpa sur les fonds marins cambriens© Sébastien Clausen

De plus en plus d’indices suggèrent que les échinodermes basaux possédaient une symétrie bilatérale. Y. biscarpa, le plus ancien et certainement l’échinoderme le plus basal connu à ce jour, confirme cette interprétation, démontrant que le squelette typique des échinodermes est apparu chez des organismes bilatéraux, bien avant l’acquisition de la symétrie pentaradiale ;, probablement plusieurs millions d’année plus tard. Possédant des similarités à la fois avec les échinodermes et les hémichordés, Y. biscarpa fournit une avancée majeure dans la connaissance de l’ancêtre commun de ces deux espèces au sein des deutérostomiens, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans l'étude de l'histoire préradiale des échinodermes.

Position phylogénique de Y. biscarpa, du Cambrien inférieur (Fortunien ; ~ 540-530 Ma) de Chine, au sein des deuterostomiens. © Sébastien Clausen

Référence

 

Timothy P. Topper, Junfeng Guo, Sébastien Clausen, Christian B. Skovsted & Zhifei Zhang, "A stem group echinoderm from the basal Cambrian of China and the origins of Ambulacraria", Nature Communications, 10, article number 1366, 2019

 

Contact

Sébastien Clausen
Evolution, Ecologie et Paléontologie (Evo-Eco-Paleo - CNRS/Université de Lille)
Stéphanie Barbez
Responsable communication - Délégation Hauts-de-France DR18