La durabilité de l’exploitation des forêts tropicales humides remise en question

Résultats scientifiques écologie évolutive & Biodiversité

Les forêts tropicales renferment la majeure partie de la biodiversité terrestre et fournissent divers services aux hommes. Elles sont cependant fortement menacées, en particulier par l’exploitation forestière. La durabilité des méthodes d’exploitation n’a été jusqu’à présent que partiellement évaluée car peu d’études à long terme de ces forêts existent du fait de l’investissement humain et du coût économique nécessaires. Basé sur l’étude d’un dispositif unique en forêt amazonienne, comprenant le suivi pendant 30 ans d’une forêt exploitée à différentes intensités, une équipe de chercheurs du MNHN, du CIRAD et du CNRS suggère que la méthode d’exploitation forestière la plus communément utilisée dans les tropiques, « des coupes sélectives » avec un cycle de rotation de 30 ans, ne semble pas durable. Cette étude a été publiée dans Forest Ecology and Management.

Les forêts tropicales renferment la majeure partie de la biodiversité terrestre et fournissent divers services écosystémiques aux hommes tels que le stockage de carbone ou la production de bois pour la construction, l’ébénisterie, ou comme combustible. Dans le même temps, ces écosystèmes sont fortement menacés. L’exploitation pour le bois est importante, mais le développement d’une agriculture intensive et d’infrastructures de développement sont des facteurs majeurs de la déforestation.
Dans ce cadre, une équipe de chercheurs de différents organismes (MNHN, CIRAD et CNRS) a publié dans la revue Forest Ecology and Management une étude sur la durabilité des méthodes d’exploitation sylvicoles couramment utilisées en forêts tropicales. Plus précisément, le but a été d’étudier les conséquences de coupes sélectives avec des cycles de rotation de 30 ans (c’est–à-dire des coupes effectuées tous les 30 ans où l’on sélectionne le diamètre minimum des arbres ainsi que les espèces qui vont être coupées). Les chercheurs ont étudié en particulier les changements de composition floristique des parcelles témoins non exploitées et des parcelles exploitées avec pour objectif de tester si le cycle de rotation de 30 ans permettait un retour à l’état initial de la forêt en terme de composition floristique et de fonctionnement de l’écosystème.


En utilisant le dispositif expérimental de Paracou en Guyane mis en place par le CIRAD en 1984 et suivi depuis 30 ans, ainsi que des mesures moins couramment utilisées mais plus informatives quant à la santé de l’écosystème, cette équipe a montré que la composition de la forêt était toujours différente 30 ans après l’exploitation, même avec une faible quantité de bois prélevée de 10 arbres par hectare. Plus spécifiquement, après une rotation de 30 ans, cette étude met en évidence, d’une part, que la quantité de carbone stocké et le volume d’arbres à valeur commerciale ont diminué. D’autre part, ces travaux montrent que la taille des graines a diminué, suggérant que la dispersion des graines par les animaux, processus indispensable à la survie de nombreuses espèces, peut être négativement impactée. Un allongement du cycle de rotation utilisé communément en région tropicale ou une baisse de la quantité de bois prélevés semblent nécessaires pour que la forêt puisse retrouver son état et son fonctionnement initiaux.

Image retirée.
Evolution de la biomasse aérienne totale, de la biomasse aérienne commerciale et de la longueur des graines entre 1984 et 2013, respectivement avant les coupes et 27 ans après les coupes. La biomasse est exprimée en tonne par hectare et la taille des graines en millimètres. T0, T1, T2 et T3 correspondent respectivement aux traitements que les parcelles ont subies d’intensité d’exploitation croissante, i.e. T0 pour les parcelles témoins où aucune coupe n’est réalisée, T1, pour les parcelles ayant subi une coupe de 10 arbres par hectares, T2, pour les parcelles ayant subi une coupe de 10 arbres plus des éclaircies, et enfin T3 pour les parcelles ayant subi une coupe de 10 arbres, plus des éclaircies et des coupes pour le bois de chauffe.

 

Référence

Yguel B., Piponiot C., Mirabel A., Dourdain A., Hérault B., Gourlet-Fleury S., Forget P-M., Fontaine C. (2019) Beyond species richness and biomass: Impact of selective logging and silvicultural treatments on the functional composition of a neotropical forest, Forest Ecology and Management, Volume 433, Pages 528-534, ISSN 0378-1127, https://doi.org/10.1016/j.foreco.2018.11.022.

Contact chercheur

Benjamin YGUEL
Centre des Sciences de la Conservation (CESCO - CNRS / MNHN / Sorbonne Université)
Mécanismes Adaptatifs et Evolution (MECADEV - CNRS / MNHN)
benjamin.yguel@mnhn.fr

Contacts communication

Pierre-Michel FORGET
Mécanismes Adaptatifs et Evolution (MECADEV - CNRS / MNHN)
pierre-michel.forget@mnhn.fr

 

Hugo STRUNA
Centre des Sciences de la Conservation (CESCO - CNRS / MNHN / Sorbonne Université)
hugo.struna@mnhn.fr