Le Léiocéphale du Muséum de Bordeaux (don Roger 1835) : le seul représentant de ce taxon disparu de Guadeloupe. Une espèce éteinte avant d’avoir été décrite. Crédit photo : Laurent Charles, Muséum de Bordeaux - Sciences et Nature

Une espèce éteinte de lézard tropical découverte dans les réserves du Muséum de Bordeaux

Résultats scientifiques

Combien d’espèces disparues, et jamais décrites, dorment-elles dans les réserves de nos muséums de région ? L’une d’elles vient d’être nommée : le Léiocéphale roquet, un lézard originaire des îles de Guadeloupe, représenté par un unique spécimen des collections du Muséum de Bordeaux - Sciences et nature. Une équipe scientifique dont des chercheurs du laboratoire De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA – CNRS / Université de Bordeaux / Ministère de la Culture) s’est attelé à la description de cette espèce nouvelle, publiée dans la revue Zootaxa le 15 février 2021].

Ce lézard terrestre, dont la taille pouvait avoisiner 40 cm de longueur, n’était connu en Guadeloupe que par des mentions textuelles datant du xviie siècle. Des ossements retrouvés lors de fouilles paléontologiques et archéologiques attestaient néanmoins de sa présence sur l’ensemble des îles de Guadeloupe, sans que l’on ne sache, toutefois, ni son identité précise, ni la période exacte à laquelle il a disparu.

Ces questions ont finalement trouvé des réponses grâce à la redécouverte fortuite d’un spécimen inédit de Léiocéphale, jamais étudié auparavant, dans les réserves du Muséum de Bordeaux. Les archives de l’établissement indiquent que ce spécimen naturalisé a été envoyé, au début du xviiie siècle, depuis la Guadeloupe à un naturaliste bordelais qui en a fait don au muséum de la ville. Mais sa provenance exacte demeurait sujette à caution. Afin de lever les doutes possibles, ce spécimen a été scanné via des techniques de pointe afin de pouvoir observer la morphologie de son crâne, inclus à la taxidermie et demeuré pratiquement intact. Cette démarche a permis de comparer le spécimen des collections du Muséum de Bordeaux aux ossements fossiles découverts en Guadeloupe, dont la provenance ne saurait être mise en doute. La correspondance parfaite entre la morphologie des ossements du spécimen naturalisé et les ossements archéologique et fossiles a finalement permis de trancher, le spécimen du Muséum de Bordeaux correspond à une espèce de Leiocéphale endémique des îles de Guadeloupe aujourd’hui éteinte. Les scientifiques l’ont nommé le Leiocéphale roquet, en rappel du premier nom donné à ces lézards par les chroniqueurs au xviie siècle, le nom plus ancien donné par les populations amérindiennes étant inconnu. 

le Léiocéphale du Muséum de Bordeaux (don Roger 1835) : le seul représentant de ce taxon disparu de Guadeloupe. Une espèce éteinte avant d’avoir été décrite ; crédit : Laurent Charles, Muséum de Bordeaux - Sciences et Nature

le Léiocéphale du Muséum de Bordeaux (don Roger 1835) : le seul représentant de ce taxon disparu de Guadeloupe. Une espèce éteinte avant d’avoir été décrite 
Crédit photo : Laurent Charles, Muséum de Bordeaux - Sciences et Nature

Il s’agit seulement de la troisième espèce éteinte de ce type de lézard identifiée dans les Petites Antilles. Son extinction remonte au début du xixe siècle, tout comme pour l’Holotropide de l’Herminier, espèce proche et endémique de la Martinique. À cette époque, la faune des Antilles restait très partiellement décrite, ce qui explique que des espèces aient pu passer inaperçues avant leur disparition. Il est d’ailleurs vraisemblable que ce lézard ne soit pas un cas unique.

Les travaux scientifiques démontrent jour après jour l’impact délétère de l’anthropisation des milieux sur les faunes sauvages natives, tout particulièrement sur les îles où de très nombreuses espèces endémiques se sont déjà éteintes. L’archipel de Guadeloupe ne fait pas exception et cette nouvelle découverte montre encore un peu plus que sa biodiversité actuelle n’est que le pâle reflet de ce qu’elle était encore au début du xviiie siècle. La découverte d’une nouvelle espèce, disparue depuis près de deux siècles, dans les collections patrimoniales d’histoire naturelle illustre le rôle fondamental de ces collections pour la connaissance de la biodiversité et rappelle l’importance du patrimoine naturel des îles antillaises et de la nécessité de sa préservation. La disparition de nombreuses espèces animales natives de cette région peut encore être évitée. Parmi elles, les Leiocéphales, lézards encore présents sur certaines îles des Grandes Antilles, mais de plus en plus menacés par l’altération de leurs milieux de vie.

crâne du Léiocéphale du Muséum de Bordeaux modélisée 3D grâce aux techniques d’imagerie. L’observation de la morphologie squelettique à permis de comparer ce spécimen aux ossements fossiles découverts en Guadeloupe sans endommager le spécimen historique.

crâne du Léiocéphale du Muséum de Bordeaux modélisée 3D grâce aux techniques d’imagerie. L’observation de la morphologie squelettique à permis de comparer ce spécimen aux ossements fossiles découverts en Guadeloupe sans endommager le spécimen historique.

 

Contact

Corentin Bochaton
De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS / Université de Bordeaux / Ministère de la Culture)
Arnaud Lenoble
De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (PACEA - CNRS/ Université de Bordeaux/ Ministère de la Culture)
Laurent Charles
Muséum de Bordeaux
Anne-Cécile Baudry-Jouvin
Correspondante communication - De la préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie (PACEA - CNRS/Univ. de Bordeaux/Ministère de la Culture)