Un virus influence la couleur du pelage et le choix de partenaire chez le loup
Absents de la plupart des régions du monde, les loups noirs sont très fréquents dans certaines populations nord-américaines. À partir de données démographiques, épidémiologiques, génétiques et morphologiques collectées dans 12 populations, un article publié dans Science révèle que la fréquence des épidémies d'un virus commun chez de nombreux carnivores détermine la coloration du pelage et la stratégie de choix de partenaire chez le loup. Cette étude est menée par des chercheurs français, anglais et américains.
Les loups noirs sont très rares dans la plupart des régions du monde, alors qu’ils représentent plus de la moitié des individus dans certaines populations nord-américaines. Cette question a longtemps intéressé les biologistes.
La couleur du pelage chez le loup est déterminée par un gène appelé le locus K (CBD103). La version ancestrale du gène exprime une coloration grise, alors qu’une mutation sur 3 paires de base de ce gène donne la couleur noire. La protéine produite par l’allèle muté est une béta-défensine, impliquée dans l’immunité.
L’analyse de données récoltées sur plus de 300 loups suivis depuis 1998 dans le parc de Yellowstone a permis de montrer que les loups noirs qui portent une seule copie modifiée du gène ont une meilleure survie que les loups gris lorsqu’ils sont infectés par le virus qui provoque la maladie de Carré.
Un modèle démographique permet de montrer que cette capacité de résistance au virus compense la fertilité réduite des femelles noires lorsque les épidémies de virus sont fréquentes. Le modèle prédit l’élimination de la mutation, et donc l’absence des loups noirs lorsque le virus est absent, et au contraire une augmentation de la proportion de loups noirs dans les populations lorsque la fréquence des épidémies augmente. Le modèle prédit également que la stratégie optimale en présence du virus est de se reproduire avec un partenaire de couleur différente, pour maximiser la production de louveteaux possédant une seule copie du gène modifié. L’analyse des données de terrain confirme qu’à Yellowstone, les loups montrent une préférence pour un partenaire de reproduction de couleur différente.
Enfin, une analyse de données sérologiques collectées au sein de 12 populations de loups à travers le continent nord-américain confirme les résultats précédents en montrant un lien entre exposition au virus et couleur du pelage : les loups noirs sont plus fréquents lorsque la prévalence du virus augmente.
En croisant des données génétiques, épidémiologiques, morphologiques et démographiques, cet article illustre qu'un pathogène peut générer de nombreuses réponses chez son hôte. La sélection naturelle peut favoriser l'évolution d'une capacité de résistance, mais également favoriser le signalement de la résistance aux autres individus, notamment via la sélection sexuelle qui participe à maintenir de la diversité entre les hôtes.
Laboratoire CNRS impliqué
- Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE - Univ Montpellier / CNRS / EPHE-PSL University / IRD)
Objectifs de développement durable
- Objectif 3 : Bonne santé et bien-être
- Objectif 15 : Vie terrestre
Référence
Cubaynes S, Brandell EE, Stahler DR, Smith DW, Almberg ES, Schindler S, Wayne RK, Dobson AP, vonHoldt BM, MacNulty DR, Cross PC. Disease outbreaks select for mate choice and coat color in wolves. Science. 2022 Oct 21;378(6617):300-3.