Transferts horizontaux à haute fréquence chez les papillons
La génétique porte par définition sur l’hérédité, la transmission des caractères entre parents et descendants. Un phénomène vient pourtant perturber cette conception verticale : l’ADN peut occasionnellement sauter entre différente branches, parfois très éloignées, de l’arbre du vivant. A mesure que les données génomiques s’accumulent, il devient évident que ce phénomène touche non seulement les bactéries et les archées, où il était connu de longue date, mais également les eucaryotes, y compris les animaux, dont la lignée germinale était pourtant supposée étanche à tout matériel exogène. A partir du séquençage en masse des éléments transposables au sein d’une communauté insulaire d’insectes, une étude récemment publiée dans la revue PLoS Genetics révèle une haute fréquence des évènements de transferts horizontaux d’ADN chez les papillons. Elle implique le laboratoire de Biométrie Et Biologie Évolutive (LBBE - CNRS/Université Claude Bernard/Vetagro Sup) à Lyon, le laboratoire d’Écologie et Biologie des Interactions (EBI – Université de Poitiers/CNRS) à Poitiers, et le laboratoire Évolution, Génomes, Comportement, Écologie (EGCE – Université paris-Sud/CNRS/IRD) de Gif sur Yvette.
Les éléments transposables (des segments d’ADN qui envahissent les populations en produisant des copies d’eux-mêmes au sein des génomes) sont évidemment les candidats numéro 1 au transfert horizontal : leur mobilité inhérente au sein des génomes pourraient-elle les rendre invasifs à plus grande échelle ? En effet, les démonstrations de transfert horizontaux d’éléments transposables s’accumulent à grande vitesse ; l’heure est maintenant à quantifier et comprendre les mécanismes moléculaires et écologiques de ce phénomène plus qu’à en démontrer l’existence.
Dans une étude parue le 13 février 2019 dans Plos Genetics, des chercheur.e.s ont souhaité déterminer si les taux de transferts horizontaux se distribuaient de manière homogène au sein du grand arbre des arthropodes, et ce faisant, à identifier quels facteurs écologiques pourraient être impliqués. A partir de données génomiques de centaines d’espèces d’insectes et autres araignées, leurs analyses mettent en évidence un taux particulièrement élevé de transferts horizontaux chez les lépidoptères (les papillons au sens large) et ce quel que soit la biologie des éléments transposables considérés.
On sait par ailleurs que de larges virus à ADN (les baculovirus) peuvent incorporer les éléments transposables de leurs hôtes et donc en constituer des vecteurs. Ces virus s’attaquent principalement aux papillons, chez qui ils sont bien connus pour leurs spectaculaires « manipulations » qui poussent les insectes à des comportements aberrants facilitant la transmission virale. Reste à tester l’hypothèse qui découle naturellement de ces observations indépendantes : les baculovirus constituent-ils les principaux vecteurs d’éléments transposables chez les arthropodes, expliquant leur distribution à large échelle ?
Référence
Reiss, D, Mialdea, G, Miele, V, de Vienne, DM, Peccoud, J, Gilbert, C, Duret, L & Charlat, S. 2019. Global survey of mobile DNA horizontal transfer in arthropods reveals Lepidoptera as a prime hotspot. PLOS Genetics.