Une colonie du corail de feu Millepora platyphylla entourée de coraux du genre Pocillopora sur la pente externe à 5 mètres à Moorea en Polynésie française.Crédit : Lauric Thiault

Structuration du microbiome corallien : l’environnement l’emporte sur l'identité génétique de l'hôte

Résultats scientifiques

Une étude sur le microbiome des coraux de Polynésie française publiée dans Nature Communications explore la contribution relative du génotype de l'hôte corallien et de l'environnement sur la diversité taxonomique et fonctionnelle de leur microbiome. Les résultats démontrent la prévalence des variations environnementales sur la structuration des communautés bactériennes associées aux coraux.

Les coraux établissent des interactions complexes et dynamiques avec une variété de microorganismes qui sont essentiels à leur survie. La complexité des interactions entre le corail et ses microorganismes, d’une part, et les fluctuations environnementales des récifs coralliens, d’autre part, peuvent induire un haut degré de variabilité chez les communautés bactériennes associées aux coraux. Ensemble, ces deux facteurs ont contribué aux incertitudes concernant la façon dont le bagage génétique du corail et les conditions environnementales affectent la structuration du microbiome corallien.

Cette étude examine la composition des communautés bactériennes associées à des lignées clonales de coraux de feu recensées au sein d’habitats récifaux contrastés, afin d'évaluer la contribution relative du bagage génétique de l'hôte corallien et de l'environnement sur son microbiome. Pour ce faire, les scientifiques ont préalablement échantillonné et génotypé (c.-à-d. déterminé l’identité génétique) de 3160 colonies géo-référencées du corail de feu Millepora platyphylla, à Moorea en Polynésie française. Parmi ces colonies, six génotypes avec des clones issus de la reproduction asexuée (fragmentation) ont été sélectionnés car présents naturellement dans trois habitats récifaux distincts : la pente externe à 6 et 12 mètres de profondeur et l’arrière-récif (< 1 mètre de profondeur). L'environnement de l’arrière-récif est plus variable et plus extrême en termes de lumière et de température que les pentes externes moyenne et supérieure, qui sont plus stables. Ces clones exposés à différentes conditions environnementales fournissent ainsi un système similaire aux modèles de jumeaux identiques couramment utilisés dans les études du microbiome chez les humains.

Ces travaux démontrent que les communautés bactériennes associées aux clones d’un génotype hôte donné (colonies génétiquement identiques) diffèrent entre les habitats (base environnementale), et de la même manière, mais dans une moindre mesure, entre les génotypes hôtes recensés au sein d’un même habitat (base génétique). Les chercheurs ont également identifié plusieurs taxons bactériens spécifiquement associés au génotype de l’hôte, bien qu’aucun de ces taxons n’était associé à une fonction métabolique discriminante entre les six génotypes étudiés. Ce résultat suggère que les bactéries spécifiques déterminées par le génotype de l'hôte semblent fonctionnellement redondantes (c.-à-d.  qu’elles jouent le même rôle). En d'autres termes, la même fonction serait véhiculée par différents taxons bactériens en fonction du génotype de l'hôte.

Les scientifiques ont également identifié plusieurs taxons bactériens spécifiques à un habitat donné qui variaient dans une large mesure entre les environnements et qui étaient associés à des fonctions métaboliques discriminantes entre les trois habitats. Ces fonctions concernent notamment des bactéries possiblement impliquées dans le cycle des nutriments (métabolisme de l'azote et du soufre) et du transport des électrons, et qui pourraient ainsi contribuer à la résilience des coraux lorsqu’exposés à des environnements variables et extrêmes tels que l'habitat de l’arrière-récif. La présence de bactéries spécifiques, taxonomiquement et fonctionnellement distinctes entre les habitats récifaux, suggère une restructuration fonctionnelle du réseau métabolique microbien.

Cette étude met en évidence la flexibilité du microbiome en tant que mécanisme d'adaptation environnementale, dont l'association avec des taxons bactériens différents dépend partiellement du génotype de l'hôte. Bien que le bénéfice biologique spécifique pour l'hôte reste à démontrer, cette flexibilité environnementale représente une caractéristique prometteuse pour la manipulation des microorganismes bénéfiques pour les coraux.

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C. Dubé pendant la collecte d’une colonie du corail de feu Millepora platyphylla sur la pente externe à 5 mètres à Moorea en Polynésie française. Crédit Photo : Keith Ellenbogen
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Une colonie du corail de feu Millepora platyphylla entourée de coraux du genre Pocillopora sur la pente externe à 5 mètres à Moorea en Polynésie française. Crédit : Lauric Thiault

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CRIOBE - CNRS / EPHE / Univ. perpignan Via Domitia)                           
  • Ecologie marine tropicale des Océans Pacifique et Indien (ENTROPIE - CNRS / IRD / ifremer / Univ Nouvelle Calédonie / Univ. La Réunion)

Objectifs de Développement durable

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  • Objectif 14 : Vie aquatique

En étudiant les bases génétiques et environnementales de la composition du microbiome corallien, les chercheurs fournissent un descriptif de la diversité des communautés bactériennes associées au corail de feu Millepora platyphylla, et précisent les facteurs intrinsèques (identité génétique de l’hôte) et extrinsèques (environnement) qui influencent cette diversité taxonomique.  

Référence

Dubé CE, Ziegler M, Mercière A, Boissin E, Planes S, Bourmaud CA, Voolstra CR. Naturally occurring fire coral clones demonstrate a genetic and environmental basis of microbiome composition. Nat Commun. 2021 Nov 4;12(1):6402. doi: 10.1038/s41467-021-26543-x. PMID: 34737272; PMCID: PMC8568919.

Contact

Caroline Dubé
CRIOBE, ENTROPIE, Labex CORAIL et IBIS