S’inspirer des os de géants pour la construction
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La nature, résultat de millions d’années de constante évolution, est une source extraordinaire d’inspiration pour l’humains, ce qui explique le fort développement de la bioinspiration ces dernières décennies. Dans ce contexte, l’os est de plus en plus utilisé dans des domaines aussi variés que l'art, l'industrie, la médecine, la robotique et l'architecture. Cette étude, publiée dans Bioinspiration & Biomimetics, suggère que la structure d’os de mammifères géants actuels offre de nouvelles pistes pour imaginer des colonnes plus résistantes pour une quantité moindre de matériau.
La bioinspiration est une approche de conception basée sur l'observation de la nature comme modèle. Là où des programmes d’intelligence artificielle arrivent parfois à des résultats sous-optimaux, des millions d’années d’évolution ont dans certains cas forgé des structures à plus fort potentiel. Parmi elles, le squelette des vertébrés s’adapte aux contraintes mécaniques (poids, action des muscles). Il doit être assez résistant pour survivre, sans être trop lourd, ce qui rendrait la locomotion coûteuse en énergie.. La forme des os, mais aussi leur structure interne, sont ainsi adaptés pour maximiser la résistance aux contraintes imposées avec une quantité minimale de matériau. S’inspirer d’os devrait ainsi permettre de réduire le coût de fabrication (à la fois financier et écologique) et d'augmenter la résistance (et la durée de vie) des structures bioinspirées.
Cette étude propose d'examiner quelles caractéristiques adaptatives de la forme extérieure et de la structure interne d'os sont liées à la résistance à la compression, et de tester quelle serait la résistance de colonnes bioinspirées. Pour ce faire, les chercheurs ont d’abord dû sélectionner les os à analyser. Sur la base de caractéristiques anatomiques, ils ont retenu des os de l’avant-bras et de la jambe de rhinocéros (Ceratotherium simum) et d’éléphant (Elephas maximus), les plus gros vertébrés terrestres actuels. Ils ont ensuite réalisé des analyses biomécaniques sur des modèles virtuels 3D. Puis ils les ont imprimés avec une imprimante 3D et ont effectué des tests mécaniques pour tester leur résistance à la compression. Enfin, ils ont construit une colonne cylindrique pleine (qui correspond au standard actuel) et une autre avec une structure interne inspirée d’un des os de rhinocéros.
Leurs résultats ont révélé que la forme des os est moins efficace qu'un cylindre pour résister à la compression. Cependant, la colonne cylindrique bioinspirée a montré une meilleure résistance que la colonne pleine. Ce résultat met donc en évidence le potentiel de la conception de colonnes cylindriques bioinspirées à partir d’os de gros vertébrés terrestres. L’étude a également soulevé l'intérêt de s’inspirer de certaines formes éteintes, ici du rhinocérotoïde géant Paraceratherium.
Ces résultats ont permis aux chercheurs de valider leur démarche et de savoir dans quelles directions continuer leurs recherches pour obtenir des colonnes encore plus résistantes.
Pour en savoir plus
Référence de la publication
Houssaye, A., Etienne, C., Gallic, Y. L., Rocchia, F., et Chaves‐Jacob, J. How can research on modern and fossil bones help us build more resistant columns ? Bioinspiration & Biomimetics, publié le 19 mars 2024. https://doi.org/10.1088/1748-3190/ad311f
Laboratoires CNRS impliqués
- Mécanismes Adaptatifs et Évolution (MECADEV - CNRS/MNHN)
- Institut des sciences du mouvement - Etienne-Jules Marey (ISM - CNRS/Aix-Marseille Univ.)