Siffler n’est pas jouer : coûts physiologiques des avertissements sonores chez les serpents

Résultats scientifiques

La prédation est une pression de sélection majeure qui façonne les organismes. Pour minimiser la prédation, les espèces proies ont développé une multitude de stratégies, parmi lesquelles se trouvent les stratégies d’avertissement. Les serpents sont des espèces à la fois prédatrices et proies, et certaines sont capables d’émettre des avertissements sonores sous la forme de sifflements causés par des ventilations pulmonaires. Une étude acceptée dans la revue Physiology & Behavior met en évidence pour la première fois les coûts physiologiques associés à l’émission de sifflements défensifs chez une espèce de vipère européenne. Ce travail, mené au CNRS de Chizé et en collaboration avec l’UMR CNRS LEHNA à Lyon dans le cadre du projet ANR Aquatherm, révèle que les sifflements défensifs sont associés à une augmentation significative de la consommation d’oxygène (taux métabolique) et des pertes hydriques. Dans le cadre des changements climatiques actuels, les conditions de sécheresse notamment estivales pourraient alors altérer le rapport coût-bénéfice de l’utilisation de ces signaux acoustiques par les serpents. 

 

Les espèces proies ont développé une multitude de stratégies pour minimiser la prédation. Parmi ces stratégies, certaines se basent sur un signal d’avertissement de dangerosité éviter la confrontation directe avec un prédateur. Bien qu’avantageuses, les stratégies de signalement peuvent être associées à des coûts. Pour minimiser la prédation, les serpents utilisent des stratégies sonores de signalement, comme les sifflements, qui utilisent l’appareil respiratoire comme source du signal.

En collaboration avec le laboratoire LEHNA, une étude expérimentale menée au CEBC-CNRS de Chizé a étudié les sifflements défensifs chez un serpent venimeux européen, la vipère ammodyte (Vipera ammodytes). En utilisant une arène comportementale et un système de respirométrie ouvert, les scientifiques ont pu analyser les caractéristiques associées aux sifflements défensifs et mesurer leurs éventuels coûts physiologiques. L’analyse acoustique de près de 700 sifflements défensifs a permis de mettre en évidence que ces derniers se composent d’une phase d’inspiration et d’une phase d’expiration, ces dernières étant les plus sonores (jusqu’à 87 décibels !). Par ailleurs, les analyses en respirométries ont montré que les sifflements défensifs étaient associés à une augmentation de la consommation d’oxygène (taux métabolique, +119%) et des pertes hydriques par évaporation (+113%). Ces augmentations étaient plus marquées chez les mâles que chez les femelles, ce qui est probablement en lien avec le mode de vie et la physiologie bien différente entre les sexes chez les vipères.

 

img ammodytes

 

 

Ces résultats fournissent la première preuve expérimentale des coûts physiologiques associés à une stratégie d’avertissement sonore. Des études précédentes ont mis en évidence l’importance des ressources hydriques chez les ectothermes. Les compromis d’allocation des ressources hydriques devraient varier selon les espèces et l’aridité des habitats. Les contraintes hydriques croissantes liées au réchauffement global pourraient influencer l’expression des stratégies défensives. Un travail en cours sur l’évolution des défenses acoustiques et de leurs modes d’émission plus ou moins couteux en terme d’énergie ou de pertes hydriques (ex : frottement des écailles, sonnettes…) chez les serpents devrait permettre de clarifier le contexte d’expression des différentes modalités d’émissions en lien avec les contraintes écologiques de leurs ecosystèmes.

 

Référence de la publication

Van Zele, N., Nicot, T., Lengagne, T., Ksas, R., & Lourdais. Physiological costs of warning : defensive hissing increases metabolic rate and evaporative water loss in a venomous snake. Physiology & Behavior, publié le 1er octobre 2024.

Laboratoire CNRS impliqué

  • Centre d'Etudes Biologiques de Chizé-La Rochelle (CEBC - CNRS/ Univ. La Rochelle)

  • Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (CNRS - LEHNA / Univ. Claude Bernard Lyon 1) 

Contact

Olivier Lourdais
Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
Cécile Ribout
Correspondante communication - Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université)