Rongeurs des Caraïbes : le secret révélé de leur première colonisation des îles
Une équipe internationale de paléontologues et de géologues (France, Porto Rico, Argentine, Cuba et USA) mobilisant notamment des chercheurs du Laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS / Univ. Montpellier / Univ. Antilles) et de l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier (ISEM - CNRS / Univ. Montpellier / IRD / EPHE), relate la découverte à Porto Rico des plus anciens rongeurs des Caraïbes. Révélés par quelques dents fossiles seulement, ces rongeurs témoignent d’une colonisation des îles caribéennes il y a au moins 30 millions d’années, à partir de l’Amérique du Sud. Cette avancée majeure pour les mammifères des Caraïbes est parue le 12 février 2020 dans la revue Proceedings of the Royal Society (Biological sciences).
Les îles des Caraïbes (Petites et Grandes Antilles) sont de véritables laboratoires de l’évolution, remarquables par leur biodiversité toujours fragile et parfois énigmatique. En particulier, les modalités d’arrivée des premiers mammifères dans l’archipel antillais comptent aujourd’hui parmi les mystères les plus épineux en sciences naturelles. Les témoins paléontologiques de cette histoire y sont en effet très rares, à l’exception de quelques fossiles documentant surtout le dernier million d’années. Dans le cadre d’un programme de recherche réunissant paléontologues et géologues, deux nouvelles espèces de rongeurs, documentées par trois dents fossiles, ont été découvertes dans des dépôts datés de 29,5 millions d’années sur l’île de Porto Rico (Grandes Antilles). Il s’agit des plus anciens rongeurs connus des Caraïbes, lesquels sont de proches cousins éteints des chinchillas, viscaches et autres pacaranas actuels au sein des chinchilloïdes, un groupe de rongeurs strictement sud-américains.
Cette découverte éclaire d’un jour nouveau les affinités de certains rongeurs géants, emblématiques des Caraïbes et récemment éteints (Amblyrhiza et Elasmodontomys). Elle atteste ainsi d’une évolution des cousins des chinchillas dans l’archipel pendant plus de 30 millions d’années. La voie de passage depuis l'Amérique du Sud vers les Antilles était probablement la Ride d'Aves, aujourd’hui sous-marine, mais qui semble avoir émergé vers 35-33 Ma. Enfin, cette découverte suggère que la colonisation naturelle des Antilles par les rongeurs résulte de plusieurs événements successifs de dispersion depuis l’Amérique du Sud au cours des temps géologiques. Cette colonisation précoce des chinchilloïdes apparaît totalement déconnectée des arrivées ultérieures des rats épineux et des rats du riz, les rongeurs les plus abondants des Antilles aujourd’hui.
Soutien financier
Cette recherche a reçu le soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), programme GAARAnti (ANR-17-CE31-0009), porté par Philippe Münch (Géosciences Montpellier, Université de Montpellier) [INSU] et dont le partenaire pour la paléontologie et la biologie est l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier [INEE].
Référence
Marivaux, L., Vélez-Juarbe, J., Merzeraud, G., Pujos, F., Viñola López, L. W., Boivin, M., Santos-Mercado, H., Cruz, E. J., Grajales, A., Padilla, J., Vélez-Rosado, K. I., Philippon, M., Léticée, J.-L., Münch, P. & Antoine, P.-O. (2020). Early Oligocene chinchilloid caviomorphs from Puerto Rico and the initial rodent colonization of the West Indies. Proceedings of the Royal Society B.