Recherche d'une signature de la vie sur Mars : une approche biogéomorphologique
Des observations récentes d’organismes extrémophiles qui réalisent leur niche écologique dans des conditions physico-chimiques extrêmes, ont conduit à reconsidérer l’extension et la forme de l'enveloppe physicochimique de la vie telle que nous la connaissons sur Terre. La vie microbienne, en particulier, s'est révélée tenace et capable de laisser une empreinte géochimique durable dans son environnement. La recherche de la vie dans le système solaire représente un objectif aujourd’hui rendu accessible grâce aux récents développements technologiques, par exemple le rover Rosalind Franklin de la mission ExoMars (Figure 1). Les formes de reliefs, des échelles régionales aux échelles microscopiques, sont maintenant visibles en deux ou trois dimensions à très haute résolution et avec une très grande précision, et cela grâce aux récents développements des techniques de télédétection 3D orbitales et au sol. Grace à ces développements, il est possible de proposer une nouvelle perspective biogéomorphologique basée sur l’analyse de variables géomorphologiques pour la recherche d’une signature passée et présente de la vie sur Mars. Une récente étude publiée dans Astrobiology, fruit d’une collaboration interdisciplinaire à l’interface entre géosciences et écologie, a conduit à la proposition de six candidats de bio-signatures provoquées par des micro-organismes sur Terre comme des analogues pour la recherche d’une signature de la vie sur Mars.
Depuis que la vie est apparue et a colonisé les océans et les continents sur Terre, les processus géomorphologiques, et en particulier les formes du relief, ont subi des modifications concomitantes au cours des derniers milliards d'années. Ces modifications ont pour origine divers modes d’actions des organismes sur la géomorphologie, par exemple la bioconstruction, la bioaltération, la bioérosion ou la bioturbation (Figure 2). Les caractéristiques géomorphologiques, telles que les types de minéraux et de roches, la texture et la structure des sédiments et les formes du relief, sont par conséquent des descripteurs pertinents pour la recherche de bio-signatures sur Mars. Et cela en complément des approches géochimiques beaucoup plus classiques. Cependant, jusqu'à présent, les critères géomorphologiques ont peu été pris en compte pour la recherche d'une signature de la vie sur Mars. L'utilisation de la Terre comme analogue biogéomorphologique fournit de très bonnes raisons de penser qu’une vie microbienne passée, ou présente, aurait pu donner lieu sur Mars à des formes de terrain biogéniques reconnaissables.
Les formes de reliefs, des échelles régionales aux échelles microscopiques, sont maintenant visibles en deux ou trois dimensions à très haute résolution et avec une très grande précision, et cela grâce aux récents développements des techniques de télédétection 3D orbitales et au sol. Grace à ces développements, il est aujourd’hui possible de proposer une nouvelle perspective biogéomorphologique basée sur l’analyse des variables géomorphologiques pour la recherche d’une signature passée et présente de la vie sur Mars. Une collaboration interdisciplinaire récente entre le Laboratoire de Géographie Physique et Environnementale (GEOLAB – CNRS/Univ Clermont Auvergne/Univ Limoges), le Laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET – CNRS/Univ Toulouse Sabatier/IRD/Centre National d’Études Spatiales), le Laboratoire Écologie Fonctionnelle et Environnement (EcoLab – CNRS/Univ Toulouse Sabatier/INP Toulouse) et l’Université D’Oxford (Royaume-Uni) et publiée dans le journal Astrobiology a conduit à la proposition de six candidats de bio-signatures provoquées par des micro-organismes sur Terre comme des analogues pour la recherche d’une signature de la vie sur Mars : (1) les formes d’altérations des roches d’origine microbienne, les encroûtement et les patines et vernis ; (2) les microbialites et structures sédimentaires construites par les microbes (MISS) ; (3) les bioaccumulations de restes squelettiques de micro-organismes ; (4) les formes de terrain liés aux dégazages des produits issus de l’activité microbienne ; (5) les cryoconites nivales et glaciaires ; (6) les formes et structures paysagères auto-organisées ; et (7) les formes de relief sans analogues terrestres.
L’approche biogéomorphologique est basée notamment sur une analyse des histogrammes de fréquence pour identifier les anomalies et les modulations des variables géomorphologiques ciblées (Figure 3). Cette approche pourra aider à détecter une origine biotique des structures géomorphologiques et peut conduire au développement d'une approche intégrative multi-proxies et multi-échelles combinant une expertise morphologique, structurale, textural et géochimique. Cette perspective doit également aider à orienter le choix des sites d’investigation pour les futures missions et les types et échelles d’observations à effectuer par les orbiteurs et les atterrisseurs.
Référence
Corenblit D., Darrozes J., Julien F., Otto T., Roussel E., Steiger J., Viles H. 2019. The Search for a Signature of Life on Mars: A Biogeomorphological Approach. Astrobiology 19: 1279-1291.
Références bibliographiques
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Corenblit D., Darrozes J., Julien F., Otto T., Roussel E., Steiger J., Viles H. (2019) The Search for a Signature of Life on Mars: A Biogeomorphological Approach. Astrobiology 19: 1279–1291.
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