Peser le pour et le contre chez les primates

Résultats scientifiques

Comment ont évolué les capacités cognitives liées à la prise de décision chez les primates ? Une étude publiée dans la revue Philosophical Transactions of the Royal Society B, combinant écologie, cognition et paléoanthropologie suggère que les primates actuels et les hominines fossiles ont probablement mobilisé un ensemble de capacités cognitives (e.g. mémoire épisodique, planification) pour prendre des décisions qui permettent une optimisation des coûts et des bénéfices, tout en tenant compte des contraintes sociales inhérentes à la vie en groupe.

Comment ont évolué les capacités cognitives liées à la prise de décision chez les primates ? Sur quels critères les individus décident d’investir du temps et de l’énergie pour obtenir de la nourriture, des services et des partenaires, aussi bien amicaux que sexuels ? Comment optimiser la rapport coûts/bénéfices pour atteindre ces buts ? Pour tenter de répondre à ces questions chez les primates actuels et les hominines fossiles, une équipe pluridisciplinaire, dont des scientifiques du laboratoire Eco-anthropologie (EA – CNRS / MNHN), de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM – CNRS / Sorbonne Université / INSERM) et du laboratoire Histoire naturelle de l'Homme préhistorique (HNHP – CNRS / MNHN / Université de Perpignan Via Domitia), a mené un travail combinant écologie, cognition et paléoanthropologie. Jusqu’ici les recherches menées chez l’espèce humaine ont identifié la plupart des processus cognitifs impliqués dans la prise de décision basée sur la valeur, mais qu’en est-il chez les autres espèces de primates, aussi bien modernes que fossiles ?

Dans cette nouvelle étude comparative, les chercheurs suggèrent que des représentations mentales spécifiques permettent et ont permis aux primates modernes et aux hominines fossiles d’organiser leur comportement dans l’espace et le temps, à la fois au niveau individuel et collectif. En se focalisant sur deux contextes particuliers, que sont la recherche d’un partenaire sexuel (décisions individuelles) et la recherche de nourriture (la chasse – décisions collectives), les auteurs démontrent que les primates doivent coordonner de multiples besoins, tout en gérant un flux permanent d’informations sociales et écologiques. Comme d’autres espèces longévives, les primates doivent baser leurs décisions non seulement sur les comportements observés des autres membres du groupe, mais aussi sur leurs précédentes interactions avec ces individus. Cela implique d’identifier la nature et la qualité des interactions récentes ainsi que l'intérêt des différents partenaires (partenaires sexuels ou partenaires de chasse par exemple). Ainsi, ils ont probablement développé un ensemble de compétences cognitives (par exemple, mémoire épisodique, évaluation, planification) qui leur permettent de choisir des partenaires en fonction des avantages attendus (basés sur les interactions passées et en cours) et de sélectionner les options qui répondent non seulement aux besoins individuels, mais aussi aux besoins collectifs (par exemple la chasse et le transfert de viande). Ces capacités cognitives ainsi que les représentations mentales reliant des comportements à leurs conséquences à long terme, étaient probablement déjà présentes chez les hominines fossiles. D’autres études sont encore nécessaires pour faire la lumière sur la complexité et la diversité que l’on peut retrouver dans les prises de décision liées à l’optimisation des coûts et des bénéfices chez les primates, et aussi comprendre le poids relatif de ces capacités cognitives spécifiques dans le comportement d’autres espèces.

Interactions entre un mâle et une femelle macaque japonais (Macaca fuscata)

Interactions entre un mâle et une femelle macaque japonais (Macaca fuscata)
© Lucie Rigaill

 

Références

Garcia C, Bouret S, Druelle F, Prat S. Balancing costs and benefits in primates: ecological and palaeoanthropological views. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2021 Mar;376(1819):20190667. doi: 10.1098/rstb.2019.0667. Epub 2021 Jan 11. PMID: 33423629.

 

Contact

Cécile Garcia
Laboratoire Eco-anthropologie (EA - CNRS/MNHN)
Shelly Masi
Correspondante communication - Laboratoire Eco-anthropologie (EA – CNRS / MNHN)