Nouvelles connaissances sur les risques des pesticides pour les abeilles sauvages

Résultats scientifiques

 

  • Une importante variation des doses létales de pesticides au sein et entre différentes espèces d'abeilles, les abeilles sauvages présentant souvent des niveaux de tolérance inférieurs à ceux des abeilles domestiques.

  • Une représentation inadéquate des espèces d'abeilles indigènes dans les études de toxicité des pesticides, ce qui entraîne une sous-estimation des risques dans les processus d’évaluations des risques écologiques.

  • Des recommandations pour la hiérarchisation des études de toxicité chronique, le développement d'essais pour les abeilles sauvages et la collecte de données génétiques et environnementales afin d'améliorer les modèles d'évaluation des risques liés aux pesticides.
     

 

Une nouvelle étude remet en question les méthodes conventionnelles d'évaluation des risques écologiques (ERA en anglais pour Ecological Risk Assessment) de l'exposition aux pesticides chez les abeilles sauvages. L'étude met en évidence des lacunes importantes dans les stratégies actuelles d'évaluation des risques liés aux pesticides et propose des recommandations essentielles pour protéger les populations de pollinisateurs sauvages indigènes. Ces travaux sont publiés dans Conservation Letters.

L’estimation des risques posés par les pesticides sur les populations sauvages de pollinisateur est une problématique actuelle cruciale. Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont réalisé une méta-analyse complète des données de la plus grande base de données toxicologiques au monde, ECOTOX, en examinant les effets létaux des néonicotinoïdes - les pesticides les plus utilisés au monde - sur les abeilles mellifères et les abeilles sauvages. Les chercheurs ont fait une découverte alarmante : le processus actuel d'évaluation des risques écologiques (ERA), qui s'appuie fortement sur des espèces de substitution (abeilles mellifères domestiques) et des études en laboratoire, sous-estime considérablement les risques de létalité auxquels sont confrontés les pollinisateurs sauvages. De manière surprenante, l’étude a révélé que même dans des conditions de laboratoire constantes, la dose létale pour les abeilles mellifères variait substantiellement, et jusqu’à six ordres de grandeur. En outre, la comparaison des doses létales médianes entre les abeilles mellifères et d'autres espèces d'abeilles sauvages a révélé une réalité troublante : les doses létales pour les abeilles sauvages étaient majoritairement inférieures à celles des abeilles mellifères, ce qui indique que ces composés présentent un risque de toxicité plus important pour les abeilles sauvages que ce que l'on pensait jusqu'à présent.

La variabilité significative couvrant six ordres de grandeur souligne que les doses létales peuvent être sensibles aux conditions initiales de laboratoire - et sans intégrer cette variation, l'identification d'une valeur unique pour la dose létale peut être inadéquate et remet donc en question la fiabilité de l'utilisation d'espèces de substitution comme prédicteurs dans l'extrapolation de la toxicité des pesticides. Cette recherche met non seulement en lumière une lacune cruciale dans les stratégies actuelles de gestion des pesticides, mais souligne également le besoin urgent d'approches plus précises de l'évaluation des risques écologiques (ERA).

Deux pollinisateurs, une abeille et un colibri, se disputent une fleur.
Deux pollinisateurs, une abeille et un colibri, se disputent une fleur. 
© Mathilde L. Tissier

 

Référence de la publication

Shahmohamadloo, R. S., Tissier, M. L., & Guzman, L. M.. Risk assessments underestimate threat of pesticides to wild beesConservation Letters, publié le 15 mai 2024. 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC, CNRS/Univ. Strasbourg) 

Contact

Mathilde Tissier
Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)
Nicolas Busser
Correspondant communication - Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC-CNRS/Univ Strasbourg)