Même dans les profondeurs de la mer, il y a des saisons !

Résultats scientifiques

Dans la mer, la zone mésopélagique, située entre 200 et 400 m de profondeur, est une zone de pénombre qui s'intercale entre la couche illuminée de surface et l'obscurité totale des grandes profondeurs. Généralement éloigné de la côte, cet habitat semi-profond est d'un accès difficile, de sorte que les organismes qui lui sont inféodés sont très mal connus. Les chercheurs du Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer, grâce au suivi hebdomadaire d'un site mésopélagique de proximité, ont pu mettre en évidence l'existence de nouveaux microorganismes spécifiques de cet habitat, chacun possédant des cycles d'abondance saisonniers distincts, et similaires à ceux des organismes connus de la couche superficielle.

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Le squelette de la radiolaire 'corne de cerf' (Cladococcus cervicornis, Haeckel 1862) trouvé dans une échantillon de la mésopelagique prise le 4 decembre 2017 au large de Villefranche-sur-Mer. Crédit photo : John Dolan CNRS

Le Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer, localisé à proximité des grandes profondeurs de la Méditerranée, offre à ses chercheurs la chance, unique en Europe, de pouvoir accéder aisément à un site d'étude de la zone mésopélagique, situé à quelques minutes de temps en bateau. Depuis maintenant presque une année, un programme hebdomadaire d'échantillonnage à 250m de profondeur a été mis en place pour assurer le premier suivi à haute fréquence des microorganismes mésopélagiques, notamment pour des populations appartenant aux trois groupes suivants : des brouteurs de flagellés (ciliés tintinnides), des consommateurs de particules détritiques (radiolaires phéodaires), et des dinoflagellés porteurs de symbiontes (dinoflagellés amphisolénides). Pour chacun de ces groupes, de nouvelles espèces inféodées uniquement à la zone mésopélagique ont été découvertes, certaines caractérisées par des cycles saisonniers, c'est-à-dire présentes soit en hiver, soit au printemps.

Dans la couche superficielle de la mer, qui est soumise aux cycles annuels de température, de lumière, et de mélange vertical, la saisonnalité des populations planctoniques est une caractéristique bien connue. Inversement, la mise en évidence d'une saisonnalité des microorganismes vivant dans la zone mésopélagique constitue une surprise en raison des conditions relativement stables qui la caractérisent. En raison de la constance des conditions de température et d'éclairement dans cette zone, l'explication des cycles des espèces qui lui sont spécifiques est peut-être à rechercher dans la variation saisonnière du mélange vertical. En hiver, les eaux refroidies en surface coulent jusqu'au niveau mésopélagique, voire encore plus bas, transportant en profondeur les organismes de surface qui, de ce fait, envahissent les populations mésopélagiques. Les successions d'apparition et de disparition des espèces mésopélagiques seraient alors une réaction à ces trains d'invasion. Les travaux en cours et à venir viseront à clarifier les facteurs qui influencent la succession et la composition des espèces trouvées dans la zone mésopélagique.

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Deux espèces "hivernales" de la zone mésopélagique. Le dinoflagellé Amphisolenia globulosa (à gauche) et le cilié tintinnide Xystostonella spicata (à droite).
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Deux espèces "estivales" de la zone mésopélagique. Le dinoflagellé Triposolenia bicornis (à gauche) et le cilié tintinnide Xystostonella aciculata (à droite).

 

Référence :

John R Dolan, Maria Ciobanu, Sophie Marro, Laurent Coppola 2017. An exploratory study of heterotrophic protists of the mesopelagic Mediterranean Sea. ICES Journal of Marine Science, fsx218, https://doi.org/10.1093/icesjms/fsx218

 

Galerie d'Images des microorganismes mésopélagiques : Photothèque du CNRS  recherche 'mésopélagique'

Contact chercheur

John DOLAN
Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer - LOV (CNRS / Université Pierre et Marie Curie)
dolan@obs-vlfr.fr