L’intelligence artificielle pour cartographier la végétation aquatique des rivières à partir d’images satellites

Résultats scientifiques

Les gestionnaires des milieux aquatiques sont demandeurs de nouveaux outils permettant de suivre le développement des herbiers aquatiques. L‘approche développée par les chercheurs du laboratoire d’Ecologie Fonctionnelle et Environnement et leurs collègues de la société Adict Solutions, du GET et de DYNAFOR constitue la première  étude montrant le potentiel des images satellites à très haute résolution spatiale Pléiades associées à des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) pour cartographier automatiquement le recouvrement des herbiers. Elle ouvre la voie au suivi temporel des herbiers, encore difficilement appréhendable par des relevés in situ. Cette étude paraît en septembre 2020 dans la revue Water Research.

Les plantes aquatiques submergées sont particulièrement importantes dans la structuration et le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Elles contribuent en effet à maintenir une eau limpide (en piégeant les sédiments fins et en limitant le développement du phytoplancton) et offrent un abri ou un lieu de reproduction à de nombreuses espèces animales (poissons, invertébrés...). Toutefois, leur développement excessif, peut avoir des effets néfastes pour les activités nautiques et, en cas d’arrachage par les crues, provoquer le colmatage des prises d’eau des ouvrages de production électrique en milieu fluvial.

Appréhender la dynamique de ces herbiers et quantifier leur biomasse est une préoccupation majeure pour soutenir des programmes de gestion efficace des hydrosystèmes. A l’heure actuelle, le développement des végétaux aquatiques en rivière est le plus souvent suivi sur des zones restreintes lors de campagnes de relevés sur le terrain ou par photo-interprétation d’images aériennes. 

Compte tenu des récents progrès dans la technologie des capteurs et des techniques de traitement et d’analyse d’images, il apparaissait pertinent d’évaluer les potentialités d’images satellites à haut niveau de détail spatial, associées à des algorithmes d’intelligence artificielle, pour cartographier automatiquement la végétation aquatique des rivières. 

Herbiers de plantes aquatiques submergées sur un site d’étude de la Garonne (commune de Seilh, dans l’agglomération toulousaine). © D. Espel / CNRS.
Herbiers de plantes aquatiques submergées sur un site d’étude de la Garonne (commune de Seilh, dans l’agglomération toulousaine). Image drone © D. Espel / CNRS.

La présente étude avait pour objectif l’élaboration d’un nouvel outil pour quantifier indirectement la biomasse végétale submergée en milieu fluvial à partir du recouvrement des herbiers, tel qu’il peut être observé depuis l’espace par télédétection optique. La méthode a été développée sur un site de la Garonne moyenne, à partir de placettes d’échantillonnage sur le terrain, au niveau desquelles le recouvrement des herbiers et leur biomasse ont été mesurés.

Les données de terrain ont ensuite été mises en relation avec la signature spectrale des pixels correspondants issus d’une image Pléiades à 50 cm de résolution spatiale, grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique.  Ces derniers ont été entraînés à prédire le recouvrement des herbiers sur la base du signal enregistré par le satellite. Le modèle d’apprentissage obtenu a ensuite été testé à l’échelle d’un tronçon de rivière (~ 1 km), et validé en utilisant une carte du recouvrement des herbiers, obtenue par photo-interprétation d’une image drone à très haute résolution spatiale (1 cm), et servant de « vérité terrain ».

Résultats cartographiques du recouvrement total (prédit et observé) sur une portion du site d’étude. La carte de recouvrement prédit présentée ici est la meilleure carte automatique obtenue ; elle est issue d’un modèle de régression basé sur l’algorithme Random Forest, construit avec les bandes spectrales du rouge, vert, bleu et proche-infrarouge et le jeu de données de recouvrement de 880 quadrats. © D. Espel

Résultats cartographiques du recouvrement total (prédit et observé) sur une portion du site d’étude. La carte de recouvrement prédit présentée ici est la meilleure carte automatique obtenue ; elle est issue d’un modèle de régression basé sur l’algorithme Random Forest, construit avec les bandes spectrales du rouge, vert, bleu et proche-infrarouge et le jeu de données de recouvrement de 880 quadrats.
© D. Espel

Les modèles sont capables de prédire le recouvrement des herbiers avec une erreur moyenne de l’ordre de 20 % de recouvrement. A l’échelle d’un tronçon de rivière, l’erreur sur l’estimation de la biomasse totale de la végétation aquatique ne dépasse pas 11 %. La chaîne de traitement proposée pour analyser les images satellites est exclusivement développée à l’aide de logiciels libres ouvrant de nombreuses opportunités d’applications. Des investigations complémentaires sont toutefois requises pour rendre l’outil opérationnel dans des contextes hydrologiques variés et permettre ainsi un suivi multi-dates et multi-sites de la végétation aquatique.

Références

D. Espel, S. Courty, Y. Auda, D. Sheeren, A. Elger (2020) Submerged macrophyte assessment in rivers: an automatic mapping method using Pléiades imagery. Water Research (in press)

Contact

Arnaud Elger
Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS / Observatoire Midi-Pyrénées (OMP)/ Université Toulouse III Paul Sabatier (UPS)/ Institut National Polytechnique de Toulouse (Toulouse INP))
Vincent Jassey
Contact communication - Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement (CNRS / Observatoire Midi-Pyrénées (OMP)/ Université Toulouse III Paul Sabatier (UPS)/ Institut National Polytechnique de Toulouse (Toulouse INP))