L’impact de l’anthropocène sur les cyclones tropicaux depuis le Petit Âge Glaciaire

Résultats scientifiques

Inscrite dans le cadre de l’IRN RISCDIS, l’étude publiée dans la revue Global and Planetary Change s’intéresse à l’impact de l’anthropocène sur la fréquence et l’intensité des cyclones tropicaux. Pour y parvenir, ses auteurs issus de trois UMR (Chrono-Environnement, ThéMA, TRACES) et des universités d’Aix Marseille (CEREGE), Téhéran et Pise ont exploité les archives historiques françaises et britanniques du sud de l’Océan Indien afin d’évaluer les changements interannuels à décennaux dans la variabilité des cyclones tropicaux, depuis le Petit Âge Glaciaire (PAG) jusqu’au changement climatique actuel.

Comprendre les changements futurs des cyclones tropicaux et les ondes de tempête associées est un défi important pour évaluer, planifier et atténuer l'impact du changement climatique sur les environnements littoraux aujourd’hui très fortement anthropisés en raison du processus d’urbanisation des dernières décennies. De nos jours, les cyclones tropicaux sont les événements météorologiques affectant le plus sévèrement les régions tropicales, subtropicales et de latitude moyenne. Ils se classent systématiquement parmi les risques naturels les plus meurtriers et les plus coûteux au monde, notamment dans les pays en voie de développement. Bien que le changement climatique soit l'un des nombreux facteurs susceptibles d'affecter l'évolution future des dommages causés par les cyclones tropicaux, le lien entre leur activité et le réchauffement climatique est peu clair et largement débattu parmi les scientifiques.

Des lacunes importantes dans les connaissances subsistent en ce qui concerne le comportement des cyclones tropicaux dans un monde qui se réchauffe, en partie en raison des disparités régionales dans leur dynamique et leurs trajectoires. De plus, la compréhension de ces phénomènes est hypothéquée par les limitations de la longueur temporelle et de la qualité des enregistrements d'observation, qui sont pour la plupart limités à l'ère des satellites (années 1990), autant de facteurs limitants qui entravent à la fois la détection et l'attribution des tendances.

Dans ces conditions, l’approche historique s’impose pour reconstruire des séries longues d’aléas anciens. Le volume et la qualité des archives disponibles pour le sud de l'océan Indien produites à compter des années 1650 peut surprendre. En réalité, toutes deux procèdent de l'intérêt stratégique majeur que représentait cette partie de l’Océan indien pour les puissances coloniales européennes. Grâce à elles, les chercheurs disposent de données fiables pour l'analyse des tendances inscrites dans la « longue durée ».

L’étude conduite à partir de ces matériaux révèle un lien fort, tant aux échelles séculaires que décennales, entre le réchauffement/refroidissement de la surface des eaux océaniques et la fréquence des cyclones tropicaux. Elle évalue également la relation entre la fréquence et l'intensité des cyclones, car cette dernière a le potentiel d'accroître les impacts de l'élévation du niveau de la mer sur les extrêmes du type submersions dans les zones côtières. Sur le long terme, et de manière significative, l’année 1940 semble représenter un tournant dans le système climatique au-delà duquel les cycles climatiques naturels ont été remplacés par le réchauffement induit par l'homme. On constate une multiplication par quatre en moyenne des cyclones tropicaux régionaux. Avant cette date, les données historiques de cyclones tropicaux présentent des cycles décennaux clairs, qui reflètent le forçage radiatif solaire. Cet enregistrement historique montre comment une meilleure compréhension de la variabilité passée peut améliorer les estimations d’exposition au risque de cyclones tropicaux touchant le bassin sud-ouest de l'océan Indien.

érosion du littoral à St-Paul de La Réunion après un cyclone
Érosion du littoral à St-Paul de La Réunion après un cyclone ©Emmanuel Garnier
extrait d’archives relatant un cyclone en 1781
Extrait d’archives relatant un cyclone en 1781 ©Emmanuel Garnier

 

Laboratoires CNRS impliqués

  • Chrono-Environnement (CE - CNRS / Université Bourgogne Franche Comté)
  • Travaux et Recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés (TRACES - CNRS / Ministère de la culture / Université Toulouse Jean-Jaurès)
  • Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CEREGE - CNRS / Aix-Marseille Université / IRD / INRAe)

Référence

Marriner N, Kaniewski D, Garnier E, Poukerman M, Giaime M, Vacchi M, Morhange, ‘Has the Anthropocene affected the frequency and intensity of tropical cylcones? Evidence from Mascarene Islands historical records (Southwestern Indian Ocean)’, Global and Planetary Change, 2022

Contact

Emmanuel Garnier
Laboratoire Chrono-environnement (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté)
Françoise Immel
Responsable du Service de Diffusion de l’Information Scientifique et Technique - Laboratoire Chrono-environnement (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté)