L’étude de fossiles « punk » éclaire l’histoire évolutive des mollusques

Résultats scientifiques

Une équipe internationale, comprenant des chercheurs CNRS d’IPANEMA et du synchrotron SOLEIL, identifie dans Nature deux nouvelles espèces fossiles d’aculifères de 430 millions d’années, qui réfutent la thèse selon laquelle la morphologie de cette branche des mollusques serait restée inchangée au fil du temps. Ces deux espèces, nommées Punk ferox et Emo vorticaudum en référence à leurs nombreuses épines, documentent une diversité morphologique et écologique jusque-là inconnue au sein des aculifères.

En résumé

  • Deux nouvelles espèces de mollusques à crêtes épineuses datant de 430 millions d'années ont été découvertes, baptisées Punk et Emo.
  • Contrairement aux escargots, moules ou calmars, elles appartiennent aux aculifères, l'autre branche principale de l'arbre évolutif des mollusques.
  • Punk et Emo révèlent que la morphologie des aculifères, que l’on pensait inchangée au fil du temps, a été très diversifiée par le passé.

Les mollusques (tels que les escargots, limaces, moules, nautiles, calmars, pieuvres…) constituent l'un des groupes d'animaux les plus diversifiés sur Terre. Toutefois, de nombreuses inconnues demeurent concernant les premiers stades de leur évolution, principalement dues au fait que les mollusques actuels ne représentent qu'une petite fraction de la vaste diversité qui a existé par le passé. De surcroît, leur registre fossile se limite essentiellement à leurs coquilles, et dans de rares cas à leurs parties molles, compliquant considérablement notre compréhension de leur histoire évolutive. 

L'un des pans les plus insaisissables de cette évolution réside dans l'histoire précoce des aculifères, l'une des deux branches principales de l'arbre évolutif des mollusques. Ceux-ci incluent les polyplacophores, communément appelés chitons et recouverts d’une coquille composée de sept ou huit plaques articulées, ainsi que les aplacophores, des mollusques vermiformes sans coquille.

Herefordshire, en Angleterre, est l’un des rares sites où ont été retrouvés des fossiles d’aculifères précoces, datant de la période silurienne, il y a quelques 430 millions d'années. Les organismes y sont fossilisés en trois dimensions, avec de nombreux restes de tissus mous, à l'intérieur de concrétions carbonatées. Ils ont jusqu'à présent été étudiés par polissage sérié, une méthode destructive qui a donné lieu à la description de deux des fossiles d’aculifères les plus complets jamais découverts.

Dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans Nature, une équipe de chercheurs internationaux a identifié deux nouvelles espèces lors d’une expérience visant à étudier de manière non destructive des concrétions de Herefordshire jusqu'alors inexplorées. L’anatomie de ces fossiles a été analysée à l’aide de la microtomographie à rayons X, sur la ligne de lumière PSICHÉ du synchrotron SOLEIL, après une méticuleuse phase de reconstitution et de dissection virtuelle. Les résultats révèlent des sortes de vers ou de limaces, dotées de nombreuses et longues épines pointant vers le haut et l’extérieur, tandis que le dessous semble lisse, une particularité utile pour se déplacer. 

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Sections polies et coupes virtuelles par microtomographie à rayons X synchrotron (SR µCT) des nouveaux fossiles d'aculifères Punk ferox et Emo vorticaudum.

Malgré ces similarités, leurs morphologies s’avèrent sensiblement différentes. L’une des espèces se nomme Punk ferox, en raison de sa crête épineuse caractéristique. L’autre, Emo vorticaudum, possède deux plaques sur le sommet de la tête et des épines plus courtes, formant une frange et une queue entourée d’épines torsadées en spirale. Ces combinaisons de traits sont totalement uniques et offrent un aperçu précieux de la diversité morphologique des aculifères de cette époque. 

Emo vorticaudum présente une autre particularité intéressante : le mollusque est fossilisé dans une posture suggérant un déplacement par "glissement", un mode de locomotion ressemblant à celui des chenilles, qui n'avait jamais été observé chez aucun autre mollusque. Par ailleurs, son extrémité postérieure ressemble à celle de certains aplacophores actuels, bien que ce groupe soit dépourvu de coquilles.  

De son côté, l’espèce Punk ferox partage certaines similitudes avec les polyplacophores modernes, bien qu’elle soit totalement dépourvue de coquille.

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Rendus 3D des nouveaux fossiles d'aculifères Punk ferox et Emo vorticaudum.© Quentin Gueriau 

La découverte de ces deux fossiles met en lumière la diversité morphologique et écologique des aculifères dès leurs premiers stades d’évolution, comparable à celle des autres groupes de mollusques. Cette étude renforce l'idée que les espèces actuelles ne représentent qu’une petite fraction de la diversité passée de ce groupe, à l’histoire évolutive complexe. 

Laboratoire CNRS impliqué

  • Institut photonique d'analyse non-destructive européen des matériaux anciens (IPANEMA - CNRS/Univ Versailles St-Quentin/MNHN/Ministère de la Culture)

Référence de la publication 

Sutton, M. D., Sigwart, J. D., Briggs, D. E. G., Gueriau, P., King, A., Siveter, D. J., & Siveter, D. J. (2025). New Silurian aculiferan fossils reveal complex early history of Mollusca. Nature. Publié le 8 janvier 2025. 

Contact

Pierre Gueriau
Institut photonique d'analyse non-destructive européen des matériaux anciens (IPANEMA - CNRS / Univ Versailles St-Quentin / MNHN / Ministère de la Culture)