Dr F-X Ricaut à la Mission de Denglagu (vallée de Chimbu) mesurant les capacités pulmonaires d’un habitant du village de Keglsugl (2700 m) à l’aide d’un spiromètre. © Nicolas Brucato - EDB

Les Papous présentent des signes d’adaptation biologique à l’altitude

Résultats scientifiques

Les régions de haute altitude sont considérées comme les environnements parmi les plus contraignants dans lesquels les populations humaines ont jamais vécu. Cette difficulté réside principalement dans une moindre disponibilité en dioxygène pour l’organisme humain (milieux hypoxiques). Malgré cela, des populations humaines vivent depuis des millénaires dans des régions d’altitude et ont réussi à développer des caractères physiques pour pallier à ce manque d’oxygène. C’est ce que montre une équipe internationale de chercheurs à travers l’étude des highlanders de Papouasie Nouvelle-Guinée. Ces derniers ont en effet développé des adaptations morphologiques et physiologiques résultant d’une vie en altitude. Ces travaux sont publiés dans la revue PlosOne.

Les études existantes sur les adaptations à l’altitude s’étaient jusqu’alors principalement focalisées sur 3 groupes de populations localisées en Asie (Tibet), en Afrique (Éthiopie) et en Amérique du Sud (Andes), montrant que les phénotypes mesurés en lien avec une adaptation à l’altitude sont présents parmi ces différentes groupes humains. Cependant, les vallées de haute altitude de Papouasie Nouvelle-Guinée sont peuplées de manière continue depuis au moins 20 000 ans, ce qui aurait pu permettre des adaptations spécifiques à la vie en milieu hypoxique.

Ces nouvelles découvertes s’appuient sur une base de données incluant des caractères physiologiques et morphologiques de Néo-Guinéens vivant dans les haute et basse terres, collectés dans le cadre du Papuan Past project (https://papuanpast.hypotheses.org/) au cours d’une collaboration entre des chercheurs du CNRS de Toulouse (France) et de l’université de Papouasie Nouvelle-Guinée. Les scientifiques ont mesuré des caractères phénotypiques de Néo-Guinéens à deux niveaux d’altitude. 89 individus originaires de la région de basse altitude de Daru (province occidentale), et 73 individus de villages situés sur les pentes du Mont Wilhelm (province de Chimbu), le plus haut sommet de Papouasie Nouvelle-Guinée culminant à 4509 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Lac Piunde (3800m) sur les pentes du Mont Wilhelm (province de Chimbu). © François-Xavier Ricaut - EDB
Lac Piunde (3800m) sur les pentes du Mont Wilhelm (province de Chimbu). © François-Xavier Ricaut - EDB
Village de pêcheurs de la région de Daru dans les basses terres de Papouasie Nouvelle-Guinée (province occidentale) © Nicolas Brucato - EDB
Village de pêcheurs de la région de Daru dans les basses terres de Papouasie Nouvelle-Guinée (province occidentale)
© Nicolas Brucato - EDB

Cette étude a donc exploré les différences entre populations des régions de plaine et d’altitude de Papouasie Nouvelle-Guinée pour 13 phénotypes. Elle démontre que les highlanders avaient une plus petite stature et un plus petit tour de taille, un plus grand volume pulmonaire avec une plus grande cage thoracique, ainsi qu’une concentration en hémoglobine plus élevée que celle des habitants des plaines. Si tous ces traits ont aussi été observés dans les autres populations de haute altitude étudiées autour du globe, c’est la toute première fois que des adaptations à l’altitude sont identifiées chez les highlanders de Papouasie Nouvelle-Guinée.

Dr F-X Ricaut à la Mission de Denglagu (vallée de Chimbu) mesurant les capacités pulmonaires d’un habitant du village de Keglsugl (2700 m) à l’aide d’un spiromètre. © Nicolas Brucato - EDB
Dr F-X Ricaut à la Mission de Denglagu (vallée de Chimbu) mesurant les capacités pulmonaires d’un habitant du village de Keglsugl (2700 m) à l’aide d’un spiromètre. © Nicolas Brucato - EDB


Ces nouvelles découvertes laissent présager de futures études prometteuses. Ce travail permet de préparer les prochaines analyses physiologiques et génétiques pour confirmer l’existence de sélection positive à l’hypoxie dans les génomes des highlanders de Papouasie Nouvelle-Guinée. Ce pays a une histoire démographique et une diversité génétique uniques, notamment liées au métissage avec une espèce d’Homo archaïque (Denisova). Ces spécificités papoues pourraient donc aussi se refléter dans la façon dont ces populations se sont adaptées à la vie en altitude.

Laboratoire CNRS impliqué

  • Laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB - CNRS/Université de Toulouse III Paul Sabatier/IRD)

Objectifs de Développement durable (ODD)

pictODD

  • Objectif 3 : Bonne santé et bien-être
  • Objectif 15 : Vie terrestre

Cette étude vise à mieux comprendre l’adaptation de populations humaines à des environnements stressants (hypoxiques).

Référence

André M., Brucato N., Plutniak S., Kariwiga J., Muke J., Morez A., Leavesley M., Mondal M., Ricaut F.-X. 2021. Phenotypic differences between highlanders and lowlanders in Papua New Guinea. PLOS ONE. 16(7):e0253921. doi: 10.1371/journal.pone.0253921.

Contact

François-Xavier Ricaut
Centre de Recherche sur la Biodiversité et l'Environnement (CRBE - CNRS / IRD / Toulouse INP / Univ. Toulouse Paul Sabatier)
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Univ. Toulouse III Paul Sabatier/IRD)