Les oiseaux marins nous révèlent la distribution spatiale du mercure à travers l’Atlantique Nord

Résultats scientifiques

 

  • Le mercure (Hg), toxique pour l’environnement et les espèces vivantes, est étroitement surveillé par la communauté internationale. Cependant, à l’échelle des océans, sa distribution spatiale reste encore mal connue.
  • Afin d’établir cette distribution spatiale du Hg dans les chaines alimentaires de l’Atlantique Nord, les oiseaux marins ont été utilisés en tant que bioindicateurs.
  • Les résultats de cette étude montrent pour la première fois un gradient spatial et des points chauds de Hg au Sud du Groenland et au large du Canada.

 

 

Le mercure est un élément métallique particulièrement toxique dont il est crucial de mieux connaître la distribution spatiale dans l’environnement. Dans une étude récente publiée dans Proceedings of the Natural Academy of Sciences, un réseau international de chercheurs, piloté par le laboratoire Littoral, Environnement et Société (LIENSs - UMR 7266) et le Norwegian Polar Institute, a utilisé les oiseaux marins comme bioindicateurs pour cartographier la distribution du mercure à très large échelle dans l’Atlantique Nord.

Le mercure (Hg), bien qu’élément naturel, a vu ses concentrations largement augmentées dans l’environnement au cours des deux derniers siècles suite à l’accroissement des activités humaines et de la combustion des énergies fossiles. A fortes concentrations, il devient toxique pour les espèces vivantes, y compris l’Homme, avec des effets connus sur le comportement, la reproduction, ou encore la physiologie des organismes. Les concentrations de mercure dans l’environnement sont donc étroitement surveillées par les instances internationales afin d’en réguler ses émissions.

Ainsi, et afin de protéger les milieux naturels et les populations animales, il est crucial de mieux connaitre la distribution spatiale de ce polluant. Cette connaissance est néanmoins souvent difficile à acquérir chez les organismes du milieu marin, du fait des limites techniques ou du coût financier qu’elle implique. Dans cette étude, les oiseaux marins ont été utilisés comme bioindicateurs pour suivre et cartographier les concentrations de Hg dans le milieu marin. Grâce à une collaboration internationale1 entre les réseaux ARCTOX (suivi du Hg chez les oiseaux marins à l’échelle pan-Arctique) et SEATRACK (suivi de distribution spatiale des oiseaux marins en mer), un total de 837 oiseaux de sept espèces et 27 colonies différentes ont été suivis pendant quatre ans. La concentration en Hg a été mesurée dans les plumes de chaque individu et leur distribution spatiale déterminée grâce à des systèmes de géolocalisation.

visuel macareux moine
Figure 1 : Macareux moine (Fratercula arctica), équipé d´un système de localisation (GLS) © Sébastien Descamps

Les résultats obtenus mettent en avant la distribution du Hg à très large échelle spatiale à travers l’Atlantique Nord. Ils montrent un gradient longitudinal des concentrations mesurées, plus basses dans la partie Européenne de l’Atlantique Nord et de l’Arctique. Plus précisément, des points chauds de mercure ont été identifiées au Sud du Groenland ainsi qu’à l’Est du Canada, où les concentrations sont jusqu’à trois fois plus importantes qu’en mer de Barents (Norvège) ou en mer de Kara (Russie).

carte mercure Atlantique
Figure 2 : Concentrations de mercure (en log) en Atlantique Nord prédites grâce à l´utilisation des oiseaux marins Arctiques en tant que bioindicateurs. Source : https://doi.org/10.1073/pnas.2315513121

Cette distribution spatiale suggère une influence des courants océaniques et de la fonte de la calotte glacière du Groenland sur la distribution du Hg dans les chaînes alimentaires dans l’Atlantique Nord. Surtout, elle apporte une connaissance essentielle pour appuyer les instances internationales visant notamment à réguler la pollution par le mercure à l’échelle globale. Cette étude se prolonge aujourd’hui dans le cadre du réseau ARCTOX et d’un suivi à long-terme du CNRS pour évaluer comment cette distribution du Hg et les points chauds de contamination identifiés ont changé au cours des 10 dernières années et continueront d’évoluer dans le futur.

  • 1impliquant des chercheurs de France, Norvège, Ile Féroé, Russie, Islande, Canada et Ecosse

Référence de la publication

Albert, C., Moe, B., Strøm, H., Grémillet, D., Brault-Favrou, M., Tarroux, A., Descamps, S., Bråthen, V. S., Merkel, B., Åström, J., Amélineau, F., Angelier, F., Anker-Nilssen, T., Chastel, O., Christensen-Dalsgaard, S., Danielsen, J., Elliott, K., Erikstad, K. E., Ezhov, A.,. . . Fort, J. Seabirds reveal mercury distribution across the North Atlantic. Proceedings Of The National Academy Of Sciences Of The United States Of America, publié le 13 mai 2024.

Laboratoire CNRS impliqué

  • Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs – CNRS / La Rochelle Univ.)
  • Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS / La Rochelle Univ.)
  • Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE – CNRS / EPHE-PSL / IRD / Univ. Montpellier)
  • Ecosystèmes, biodiversité, évolution (ECOBIO – CNRS / Univ. Rennes 1)

Contact

Jérôme Fort
Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Univ.)
Céline Albert
Norwegian Institute for Nature Research (NINA – Trondheim, Norvège)
Armelle Combaud
Communication - Littoral, Environnement et Sociétés (LIENSs - CNRS / La Rochelle Univ.)