Les lézards victimes du réchauffement nocturne et des sécheresses
Le réchauffement climatique a de profonds effets sur les écosystèmes et la biodiversité. Si les températures moyennes augmentent, les températures nocturnes évoluent plus rapidement que les conditions diurnes à l’échelle mondiale. Les animaux « ectothermes » y sont particulièrement vulnérables puisque leur température corporelle dépend des conditions ambiantes. De plus, les épisodes de chaleurs sont associés à des sécheresses importantes et donc une pénurie d’accès à l’eau. Une étude expérimentale publiée dans la revue Oïkos a permis de mieux comprendre les répercussions de ces changements chez une espèce de lézard de climat froid présent en France, le lézard vivipare. Ce travail souligne les effets négatifs du réchauffement nocturne et des sécheresses.
La reproduction de nombreux organismes vivants est affectée par les changements climatiques et en particulier par les épisodes extrêmes des canicules estivales. Mais ces effets sont potentiellement complexes du fait des différents facteurs de stress impliqués dans le changement climatique. En effet, s’il est bien connu que les températures maximales dans la journée augmentent, les conditions thermiques nocturnes évoluent elles-aussi rapidement. De plus, les épisodes de chaleurs sont généralement associés à des sécheresses importantes et donc à une pénurie d’accès à l’eau. Enfin, les températures plus élevées peuvent également avoir des répercussions positives sur l’acquisition des ressources mais aussi sur les besoins énergétiques des individus.
Les espèces spécialisées des climats froids comme le lézard vivipare (Zootoca vivipara) en France sont particulièrement exposées à ces modifications climatiques. Des scientifiques ont étudié de façon expérimentale la sensibilité de la reproduction de cette espèce de lézard aux effets combinés du réchauffement climatique et des sécheresses. A l’aide d’enceintes climatiques installées au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS/La Rochelle Université), il a été possible d’étudier les effets des conditions thermiques de jour et de nuit ainsi que la disponibilité de l'eau (± accès ad libitum à l'eau). Cette étude menée pendant la gestation a permis de quantifier les effets des conditions climatiques sur les traits maternels pendant la gestation (morphologie, physiologie et phénologie) et le rendement reproducteur.
Les températures plus élevées ont eu de profondes répercussions sur les besoins énergétiques des femelles pendant la gestation avec une consommation accentuée d’insectes. Le réchauffement devrait donc augmenter les besoins alimentaires de ces espèces, ce qui est problématique dans un contexte de déclin global des invertébrés. Si les conditions chaudes en journée sont généralement favorables à la reproduction, le réchauffement nocturne a par contre des effets négatifs sur l’état des femelles après la mise-bas et le rendement de la reproduction. En parallèle, la simulation de sécheresse a eu des répercussions négatives quelles que soient les conditions thermiques de jour et de nuit en entraînant une augmentation de la déshydratation et du rythme cardiaque. Ce travail suggère une déstabilisation des performances de reproduction quand les températures nocturnes augmentent de manière trop importante et invite à reconsidérer le rôle de l’écologie nocturne chez ces espèces généralement étudiées de jour.
Laboratoires CNRS impliqués
- Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC - CNRS / La Rochelle Université)
- Institut d’écologie et des sciences de l’environnement (IEES - Sorbonne Université / CNRS / IRD / INRAE)
- Centre de recherche en écologie expérimentale et prédictive (CEREEP-Ecotron IleDeFrance - Ecole normale supérieure / PSL University / CNRS)
- Station d'Ecologie Théorique et Expérimentale de Moulis (SETE - CNRS)
Objectifs de développement durable
- Objectif 13 - Mesures relatives à la lutte contre le changement climatique
- Objectif 15 - Vie terrestre
Référence
Reproducing in a changing world: combined effects of thermal conditions by day and night and of water constraints during pregnancy in a cold-adapted ectotherm. George A. Brusch IV, Jean-François Le Galliard, Robin Viton, Rodrigo S. B. Gavira, Jean Clobert, Olivier Lourdais. Oïkos