Les différentes dimensions de l’invasion par les plantes exotiques envahissantes

Résultats scientifiques

Les plantes exotiques sont des espèces végétales généralement introduites (intentionnellement ou non) par l'homme en dehors de leurs aires de répartition ou de dispersion naturelle et qui, si elles réussissent à se naturaliser (c’est-à-dire à s'établir de manière pérenne) et surtout à proliférer, peuvent générer une menace pour les écosystèmes natifs et les sociétés. On parle alors de plante exotique envahissante, comme la grande berce du Caucase, considérée comme telle en France et qui peut provoquer de graves brûlures de la peau. Cependant, toutes les plantes exotiques ne sont pas forcément envahissantes et pas forcément au même degré. Pour cela, une équipe internationale de chercheurs en écologie, dont un scientifique du laboratoire Ecologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés (EDYSAN - CNRS, Université de Picardie Jules Verne), a étudié les différents degrés d’envahissement ou d’invasion chez les plantes exotiques en Europe. Les résultats publiés dans la revue PNAS, montrent que les plantes exotiques les plus envahissantes en Europe ont tendance à être originaires de zones biogéographiques bien distinctes d’Asie ou des Amériques alors que celles qui proviennent d’autres régions du continent européen sont moins envahissantes.

  

Une étude publiée dans la revue PNAS décrit le degré d’invasion d’une espèce exotique le long de trois dimensions principales : la capacité de l’espèce à être localement abondante et dominante ; sa propension à s’étendre géographiquement et être fréquente ; et sa tolérance vis-à-vis d’une variété d’habitats naturels. Une espèce qui excelle dans ses trois dimensions est qualifiée de « super envahissante ». Néanmoins, une espèce végétale exotique peut aussi être très dominante localement, au sein d’une communauté végétale bien particulière, mais sans pour autant s’étendre géographiquement. Toutes les combinaisons sont envisageables dans cet espace à trois dimensions.

Les chercheurs qui ont travaillé sur cette étude, dont un scientifique du laboratoire Ecologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés (EDYSAN - CNRS, Université de Picardie Jules Verne), ont ainsi analysé la position, dans cet espace tridimensionnel, de 945 espèces exotiques qui se sont naturalisées dans au moins une région en Europe, ainsi que pour 6052 espèces végétales natives, à titre comparatif. La position des espèces natives dans cet espace tridimensionnel s’interprète alors comme une propension à être très commune. Ainsi, on pourrait qualifier une espèce native qui excelle ans ces trois dimensions de relativement « banale ».

Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord

Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord, qui est une plante exotique envahissante en Europe et notamment en France, plus particulièrement dans la région Hauts-de-France (ici, photos prises en Forêt Domaniale de Compiègne) et dont les impacts sont importants sur l'économie de la filière forêt-bois. La photo fait le focus sur un jeune semis de cerisier tardif au pied d'un chêne.
Crédits : Jonathan  Lenoir

 

Les résultats montrent que ces trois dimensions sont très liées les unes aux autres et qu’une espèce localement abondante, qu’elle soit native ou exotique en Europe, a tendance à être également très répandue géographiquement et dans une grande variété d’habitats différents. Bien que les espèces natives et exotiques suivent ce patron général, il existe une différence majeure entre ces deux groupes : les espèces exotiques n’ont pas co-évolué avec les autres espèces de la zone envahie, mais ont évolué dans des environnements parfois très différents et d’autant plus différents que les espèces proviennent de zones géographiques éloignées. Ainsi, les espèces exotiques dites « super envahissantes », qui excellent dans les trois dimensions, ont tendance à être originaires d’autres continents comme l’Asie ou les Amériques alors que les moins envahissantes sont celles qui proviennent d’autres régions du continent européen.

Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord
Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord, qui est une plante exotique envahissante en Europe et notamment en France, plus particulièrement dans la région Hauts-de-France (ici, photos prises en Forêt Domaniale de Compiègne) et dont les impacts sont importants sur l'économie de la filière forêt-bois. La photo a été prise dans un peuplement de pins sylvestres. On peut y voir le cerisier tardif occuper l'espace et empêcher les autres espèces natives de se développer.
Crédits : Jonathan Lenoir

Il existe cependant quelques exceptions à la règle générale qui dit qu’une espèce ayant tendance à exceller le long d’une dimension excelle également le long des deux autres dimensions. Par exemple, les chercheurs ont également démontré que les espèces exotiques les plus récemment introduites ont tendance à exceller le long d’une seule dimension mais qu’il est possible qu’avec le temps, elles excellent le long des deux autres dimensions pour à leur tour devenir des espèces exotiques « super envahissantes ». Par conséquent, connaître la capacité des espèces exotiques à devenir envahissante le long de ses trois dimensions permet non seulement de mieux comprendre les processus d’invasion biologique mais aussi de pouvoir anticiper de futures invasions et d’adopter une stratégie de lutte adaptée.

Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord

Photos de cerisier tardif (Nom scientifique : Prunus serotina Ehrh., 1788), originaire d'Amérique du Nord, qui est une plante exotique envahissante en Europe et notamment en France, plus particulièrement dans la région Hauts-de-France (ici, photos prises en Forêt Domaniale de Compiègne) et dont les impacts sont importants sur l'économie de la filière forêt-bois. La photo a été prise dans un peuplement de pins sylvestres. On peut y voir le cerisier tardif occuper l'espace et empêcher les autres espèces natives de se développer.
Crédits : Jonathan Lenoir

 

Les objectifs de développement durable

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  • ODD 15 - Vie terrestre

Ce travail contribue à la compréhension des impacts liés aux espèces invasives en milieu terrestre.

Références

Dimensions of invasiveness: links between local abundance, geographic range size and habitat breadth in Europe’s alien and native floras. Fristoe T.S., Chytrý M., Dawson W., Essl F., Heleno R., Kreft H., Maurel N., Pergl J., Pyšek P., Seebens H., Weigelt P., Vargas P., Yang Q., Attorre F., Bergmeier E., Bernhardt-Römermann M., Biurrun I., Boch S., Bonari G., Botta-Dukát Z., Bruun H.H., Byun C., Čarni A, Carranza M.L., Catford J.A., Cerabolini B.E.L., Chacón-Madrigal E., Ciccarelli D., Ćušterevska R., de Ronde I., Dengler J., Golub V., Haveman R., Hough-Snee N., Jandt U., Jansen F., Kuzemko A., Küzmič P., Lenoir J., Macanović A., Marcenò C., Martin A., Michaletz S.T., Mori A.S., Niinemets Ü, Peterka T., Pielech R., Rašomavičius V., Rūsiņa S., S. Dias A., Šibíková M., Šilc U., Stanisci A., Jansen S., Svenning J.C., Swacha G., van der Plas F., Vassilev K., and van Kleunen M. Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Publié en ligne le 24 Mai 2021.

Contact

Jonathan Lenoir
Écologie et dynamique des systèmes anthropisés (EDYSAN - CNRS/Univ. Picardie Jules Verne)