Les caméléons des océans : comment le phytoplancton s'adapte à la lumière pour conquérir les eaux du globe

Résultats scientifiques

Une équipe internationale de chercheurs publie dans Science Advances une étude sur la distribution des trois principaux types pigmentaires de la cyanobactérie Synechococcus dans l’océan mondial. En analysant à l'aide d'un outil de simulation 3D les variations de la couleur de l’eau et les conditions environnementales océaniques, les scientifiques démontrent que cette diversité pigmentaire a permis à cet organisme de coloniser l'ensemble des environnements lumineux.

Résumé

  • Synechococcus, l’une des espèces phares du phytoplancton, fait partie des organismes photosynthétiques les plus abondants de l'océan et présentant la plus grande diversité de pigments 

  • Le modèle global Darwin, qui simule le fonctionnement de l’océan, a permis de prédire la répartition des trois principaux pigments de Synechococcus, les spécialistes du bleu, du vert et les acclimateurs chromatiques 

  • Synechococcus peut coloniser l’ensemble des environnements lumineux et ainsi accroître la biomasse totale de sa population. 

Le phytoplancton, ces algues microscopiques essentielles aux chaînes alimentaires en milieu marin, utilise des pigments pour capter l'énergie lumineuse nécessaire à la photosynthèse. La qualité et la quantité de cette lumière varient considérablement en milieu marin, selon les gradients côtiers, la profondeur et les saisons, influençant ainsi la couleur de l’eau. 

Pour s’adapter à ces variations, les organismes du phytoplancton ont développé une grande diversité de pigments capables de capter la lumière. Certains organismes, comme la  cyanobactérie Synechococcus, ont même développé une capacité fascinante appelée « acclimatation chromatique ». A l’instar des caméléons, celle-ci leur permet d’ajuster leur composition pigmentaire en fonction de la couleur de la lumière ambiante, optimisant ainsi l’absorption d’énergie lumineuse. Synechococcus s'avérant l'un des deux organismes photosynthétiques les plus abondants de l'océan et présentant la plus grande diversité de pigments, c’est un modèle d’étude idéal pour comprendre comment le phytoplancton s’adapte aux variations de la couleur de l’eau. 

Dans un article publié dans la revue Science Advances, des chercheurs du Laboratoire d'Océanographie de Villefranche (LOV), de la Station Biologique de Roscoff (SBR), de l'Université de Southampton et du Massachusetts Institute of Technology (MIT,) étudient la distribution des trois principaux pigments de Synechococcus, à savoir les spécialistes du bleu, du vert et les acclimateurs chromatiques. Pour simuler le fonctionnement de l’océan mondial, notamment les variations spatio-temporelles de la couleur de l’eau, les scientifiques ont utilisé le modèle Darwin du MIT, l’un des modèles 3D les plus performants au monde.

En intégrant dans ce modèle les propriétés d’absorption lumineuse de chacun des types pigmentaires de Synechococcus, ils ont ainsi démontré que grâce à sa remarquable diversité pigmentaire, cet organisme peut coloniser l’ensemble des environnements lumineux, du bleu au vert disponibles dans le milieu marin, et ainsi accroître la biomasse totale de sa population. 

Cette étude souligne l'importance de prendre en compte les traits fonctionnels, comme la pigmentation, pour mieux comprendre la distribution du phytoplancton dans l’océan global, en particulier dans le contexte du changement climatique, lequel modifie la couleur de l’eau et par conséquent, l’environnement lumineux où vivent les communautés phytoplanctoniques.

 

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Distribution moyenne annuelle de la biomasse de Synechococcus (panneau du haut) et contributions relatives (%) des trois types pigmentaires (panneaux en bas). Ces derniers incluent les spécialistes du bleu (à gauche) qui dominent dans les zones centrales des océans pauvres en nutriments, les spécialistes du vert (au centre) qui dominent dans les régions riches en nutriments et/ou côtières, et les acclimateurs chromatiques (à droite) dominants dans les zones de transition entre les régions de prédilection des deux spécialistes mais également abondants dans les zones tempérées soumises à une forte saisonnalité. © Francesco Mattei (LOV).

Référence de la publication

Mattei, F., Hickman, A. E., Uitz, J., Dufour, L., Vellucci, V., Garczarek, L., Partensky, F., & Dutkiewicz, S. (2025). Chromatic acclimation shapes phytoplankton biogeography. Science Advances. Publié en février 2025.  

Laboratoires CNRS impliqués

  • Adaptation et Diversité en Milieu Marin (AD2M / CNRS / Sorbonne Université), Station Biologique de Roscoff,

  • Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV / CNRS / Sorbonne Université), Institut de la Mer de Villefranche

Contact

Frédéric Partensky
UMR7144 Adaptation et diversité en milieu marin (AD2M - CNRS/Sorbonne Université))
Marielle Guichoux
Responsable du service Communication Médiation et Edition Scientifiques - Station Biologique de Roscoff (CNRS / Sorbonne Université)
Julia Uitz
Laboratoire d'Océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV / CNRS / Sorbonne Université), Institut de la Mer de Villefranche