Les calmars de l’océan Austral montrent une biodiversité remarquable et un endémisme exceptionnel
Les oiseaux et mammifères marins austraux révèlent une biodiversité insoupçonnée des calmars océaniques qu’ils consomment. C’est ce que montre une étude récente du Centre d'Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS / La Rochelle Université) publiée dans Marine Biodiversity. Une synthèse des données océanographiques et de l’alimentation des albatros, cachalots et autres prédateurs double le nombre d'espèces de calmars recensées dans l’océan Austral. Cette teuthofaune comprend les deux plus grands invertébrés vivant sur terre aujourd’hui, le calmar géant et le calmar colossal.
Dans les Quarantièmes Rugissants, les navigateurs du Vendée Globe ne sont pas vraiment solitaires car ils sont accompagnés par un cortège d’oiseaux et plus rarement par des grands cétacés. Albatros, pétrels et cachalots se nourrissent de calmars océaniques dont les becs chitinisés, seules structures des céphalopodes qui résistent à la digestion, s’accumulent progressivement dans leur estomac. L’analyse de ces becs permet de déterminer les espèces de calmars consommées, car leur morphologie est spécifique.
Les calmars austraux sont mal connus. Dans le but de mieux les connaître, l’originalité de cette nouvelle étude réside dans la synthèse de deux jeux de données disparates, les résultats de l’océanographie biologique et ceux concernant les régimes alimentaires des prédateurs supérieurs. Une difficulté majeure était la bonne identification des becs collectés pendant les dernières décennies. Une fois cet obstacle levé, une vue synoptique de la teuthofaune de l’océan Austral a été obtenue. Celle-ci s’est révélée beaucoup plus riche et diverse que prévue avec un doublement des espèces répertoriées. Certaines de ces espèces sont emblématiques comme le calmar colossal, peu connu du grand public, et le calmar géant, choyé par les médias. Ces deux calmars cohabitent dans les eaux de l’Archipel de Kerguelen où ils constituent des proies de choix pour le requin dormeur.
A l’échelle circumpolaire, la biogéographie des calmars austraux montre que la moitié des espèces ne vit que dans l’océan Austral, ce qui en fait la zone océanique présentant le plus fort taux d’endémisme à l’échelle mondiale. Une seule espèce est purement antarctique, mais la majorité d’entre elles se rencontrent à la fois dans les eaux antarctiques et subantarctiques. La plus remarquable diversité se trouve au niveau des iles subantarctiques où les espèces endémiques des eaux froides coexistent avec des calmars des eaux subtropicales plus chaudes. Cette étude est issue du Centre d'Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS / La Rochelle Université) et a été publiée dans Marine Biodiversity. Elle est soutenue par l'Institut Polaire Français (IPEV), et démontre l’importance du rôle de la France en recherche polaire et de ses responsabilités en termes de conservation dans la mesure où deux des archipels subantarctiques présentant la plus grande diversité en calmars austraux, Crozet et Kerguelen, sont sous la responsabilité administrative des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).
Objectifs de développement durable
Objectif 14 : vie aquatique
Références
A review of Southern Ocean squids using nets and beaks, Yves Cherel publié dans Marine Biodiversity 50, 98 (2020)