Les artistes de l’art Levantin : étaient-ils des bergers ? Identification de caséine dans les pigments levantins par des technologies omiques.
Le laboratoire TRACES (CNRS/EHESS/Univ. Toulouse Jean Jaurès/Ministère de la culture) et des chercheurs de l’Université de Valence (Espagne) ont appliqué pour la première fois des technologies omiques, fondées sur des analyses d’ADN et de protéines, pour identifier des agents organiques et les communautés bactériennes dans les pigments des peintures de l’art rupestre Levantin. Les résultats de cette recherche, publiés dans Scientific Reports of Nature, fournissent des arguments importants pour repenser la chronologie de ces peintures préhistoriques.
L’art Levantin est une manifestation graphique unique à l’échelle de la préhistoire européenne, classé par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. Plus d’un millier d’abris ornés ont été documentés à ce jour le long du basin méditerranéen ibérique. Sa forte composante naturaliste et narrative fait de cet art une « source historique » qui permet de mieux comprendre les activités sociales et économiques des sociétés qui en sont auteur. En dépit de ce fort potentiel informatif, la chronologie des peintures levantines reste méconnue et fait l’objet de débats animés au sein de la communauté scientifique. La difficulté d’identifier et de caractériser la matière organique qui compose les pigments, dûe à la dégradation et l’érosion des supports, n’a pas permis pour l’instant d’obtenir de datations absolues par la méthode du Carbone 14.
Afin de combler ces lacunes, notre projet avait pour objet l’identification des agents agglutinants organiques utilisés dans les pigments levantins, ainsi que des communautés bactériennes du site orné de Coves de la Saltadora (Castellón, Espagne), un des abris ornés emblématiques de cette tradition graphique. Pour ce faire, des techniques protéomiques et métagénomiques ont été testées pour la première fois.
Des peptides de caséine d’origine bovine ont été identifiés par l’analyse protéomique des micro-échantillons des pigments. Cette identification permet de proposer l’utilisation du lait animal comme agglutinant lors de la préparation des pigments, ce qui suggère encore davantage que les sociétés responsables de ces peintures pratiquaient déjà l’élevage. La présence de caséine peut être ainsi considérée comme un marqueur chronologique relatif qui place, au moins une partie de la séquence Levantine, au Néolithique (à partir du 5600 cal. a.C).
Ces résultats sont très intéressants car, d’une part, ils contribuent au débat sur la chronologie de l’art Levantin, considéré pendant longtemps comme un art propre de chasseurs-cueilleurs, et favorisent en même temps l’obtention ultérieure de datations par le radiocarbone à partir de la matière organique détectée. D’autre part, l’identification des agglutinants permet de mieux comprendre le processus d’élaboration des pigments et de caractériser la complexité technique de ces peintures.
Concernant les analyses métagénomiques, elles ont fourni une première description des communautés bactériennes qui ont colonisé le support calcaire de Coves de la Saltadora. Contrairement à ce que l’on pensait, ces bactéries ont plutôt agi comme une protection des peintures.
Ce travail s’encadre dans le programme « NEOSOCWESTMED » (Nº628428) des Marie Curie Actions de la Communauté Européenne, et il a été partiellement financé par le laboratoire TRACES dans le cadre des appels d’offre « Projet Émergent 2016 ».
Références :
Proteomic and metagenomic insights into prehistoric Spanish Levantine Rock Art. Clodoaldo Roldán, Sonia Murcia-Mascarós, Esther López-Montalvo, CristinaVilanova and Manuel Porcar. Scientific Reports volume 8, 2018. DOI : 10.1038/s41598-018-28121-6
Contact chercheuse
Esther Lopez-Montalvo
Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés - TRACES (CNRS / MNHN)
05 61 50 44 04 | esther.lopez-montalvo@univ-tlse2.fr
Contact communication
Stéphanie Delaguette
Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés - TRACES (CNRS / MNHN)
05 61 50 36 86 | delaguette@univ-tlse2.fr